Un braquage avorté, une course-poursuite infernale sur l'autoroute, et au bout la mort d'une jeune policière municipale, Aurélie Fouquet. Le 20 mai 2010, à Villiers-sur-Marne, en banlieue parisienne, la jeune mère de famille de 26 ans, était tombée sous les balles de kalachnikov d’un commando qui voulait s’attaquer à un fourgon blindé. L’affaire avait provoqué une immense vague d’émotion. Six ans après les faits, neuf hommes sont jugés, à partir de mardi, par la cour d'assises de Paris. Un procès-fleuve de 33 jours très attendu par la famille de la victime, qui espère "comprendre" la folie meurtrière des braqueurs.
"Cette journée du 21 mai 2010, je la revis au quotidien". Le plan des malfaiteurs, dont l'objectif était de braquer un fourgon blindé, déraille le 20 mai 2010 vers 9h15, à Créteil, près de Paris. Des policiers repèrent une camionnette blanche, dont la carrosserie porte deux trous ressemblant à des impacts de balles. Pris en chasse, le véhicule fonce sur l'autoroute A4, ses occupants tirent sur les policiers qui les suivent - "pour tuer du flic", affirmeront ces derniers. Des automobilistes sont blessés. Arrivés à Villiers-sur-Marne, après une dizaine de kilomètres de course-poursuite, les hommes cagoulés, gantés, vêtus de treillis sombres et équipés de gilets pare-balles, braquent un nouveau véhicule.
Arrive alors une voiture de police municipale, qui essuie une vingtaine de tirs : une "véritable exécution", selon une source proche de l'enquête. Les deux policiers à bord sont blessés : Thierry Moreau au thorax, et Aurélie Fouquet à la tête. Cette mère d'un tout jeune enfant décédera quelques heures plus tard. Les malfaiteurs braquent un troisième véhicule et s'enfuient.
Pour la mère d’Aurélie Fouquet, les malfaiteurs avaient clairement l’intention de s’attaquer à des policiers, et sa fille n’a pas suffisamment été protégée. "Cette journée du 21 mai 2010, je la revis au quotidien, depuis plus de cinq ans maintenant. Et toujours avec la même douleur. Aurélie et son collègue ont été envoyés sur les lieux, sans contact radio en temps réel. Elle a été abattue parce qu'elle portait l'uniforme. S’ils avaient été sur le réseau de la police nationale, je pense qu’en arrivant sur les lieux, ils auraient été beaucoup plus prudents qu’ils ne l’ont été, parce qu’ils ne s'attendaient pas du tout à se retrouver dans une telle situation. Je ne pense pas que ça faisait partie de leur mission", estime la mère d’Aurélie Fouquet qui s’exprime pour la première fois.
"J’espère qu’ils parleront". Mardi, neuf hommes se trouveront dans le box des accusés, dont le braqueur médiatique, Redoine Faïd. Trois hommes sont accusés du meurtre d'Aurélie Fouquet, policière: Daouda Baba, Rabia Hideur et Olivier Tracoulat. Ce dernier, blessé, peut-être mortellement, lors de la fusillade qui a coûté la vie à la jeune policière, est jugé en son absence. Tous risquent la réclusion criminelle à perpétuité. Les six autres, pour certains des récidivistes, sont jugés pour une longue liste de crimes et délits, allant de l'association de malfaiteurs à la détention illégale d'armes.
Au-delà d’une condamnation sévère, la mère d’Aurélie Fouquet attend de ce procès de comprendre la folie meurtrière qui s’est emparé des prévenus. "J’espère que ces individus auront un peu conscience du calvaire qu’est notre vie aujourd’hui, et que, par respect, ils parleront. J’ai du mal à savoir s’ils ont tiré de sang-froid - auquel cas ce sont des meurtriers en puissance - ou si c’était dans la panique. J’ai besoin de comprendre leur geste", résume-t-elle au micro d’Europe 1.
"Ce petit garçon est dans le chagrin en permanence". Le meurtre d'Aurélie Fouquet avait eu un grand retentissement politique. Le président Nicolas Sarkozy avait assisté aux obsèques, tandis que plusieurs milliers de policiers municipaux avaient défilé pour exprimer leur malaise, et réclamer des équipements. La famille de la jeune policière avait, selon une source proche du dossier, confié aux enquêteurs qu'elle était "choquée" de cette médiatisation, et qu'elle avait l'impression qu'on lui "volait son deuil".
Aujourd’hui, la mère d’Aurélie Fouquet espère, aussi bien pour elle que pour son petit-fils, que ce procès l’aidera à faire son deuil. "Si la justice ne nous livre pas le nom du coupable, que diront nous à Alexis, notre petit-fils, privé de sa maman ? Nous lui avons dit, il n’avait que 14 mois. Ce petit garçon est dans le chagrin en permanence. Il parle de sa maman au quotidien. En grandissant, il pose beaucoup de questions, il veut voir le visage de ces hommes. C’est quelque chose qui pour lui commence à prendre de l’importance, malgré la hauteur de ses 6 ans et demi. Il a besoin plus que tout de connaître la vérité", confie-t-elle.