La plus importante affaire d’infanticide en France va connaître son épilogue. Le procès de Dominique Cottrez, accusée d’avoir assassiné huit de ses nouveaux-nés à partir de 1989 et de l’avoir caché à sa famille pendant vingt ans, s’ouvre jeudi devant la cour d’assises du Nord, à Douai. En juillet 2010, huit cadavres de bébés avaient été découverts dans le pavillon et le jardin familial du village de Villers-au-Tertre, dans le Nord. Dominique Cottrez, aide-soignante alors âgée de 46 ans, avait rapidement avoué les meurtres. A partir de jeudi, la justice tentera de comprendre comment cette femme, décrite comme une "bonne mère", a pu basculer dans l’horreur durant près de deux décennies.
Non-lieu pour l’époux et les deux filles . A partir de 1989, à chaque grossesse, prenant des congés ou profitant des déplacements professionnels de son mari, Dominique Cottrez se rendait dans la salle de bains où étaient préparées des serviettes, pour y accoucher et étrangler à mains nues le nouveau-né, qu'elle plaçait ensuite dans un sac-poubelle. Son époux, Pierre-Marie Cottrez, ainsi que ses deux filles, pouvaient-ils ignorer ces bébés, entreposés tour à tour dans le panier à linge, les placards et le garage de la maison familiale ? C'est ce qu'a considéré la justice, en concluant au non-lieu les concernant.
Des grossesses indécelables. L'obésité de Dominique Cottrez, qui pesait 126 kg pour 1,56 m précise la Voix du Nord, aurait rendu toute grossesse indécelable, même pour les médecins. A leur domicile, la fenêtre de la chambre des parents, où étaient entreposés plusieurs des cadavres, était souvent ouverte pour aérer. La gestion du foyer, essentiellement dévolue à la mère, aurait permis une certaine indifférence généralisée: "Du moment qu'elle préparait bien la gamelle du mari, ça suffisait. C'est terrible à dire mais c'était une bonne mère", décrypte Me Yves Crespin, avocat de l'association L'Enfant bleu-Enfance maltraitée, partie civile au procès.
"J’espérais que le bon Dieu fasse quelque chose". La justice devra pourtant trouver la clé qui permette de saisir comment Dominique Cottrez a pu commettre ces actes. Au cours des auditions, la femme âgée de 51 ans aujourd’hui avait invoqué l'humiliation de sa première grossesse connue, ou encore la crainte que les bébés soient de son propre père, avec qui elle aurait entretenu une relation incestueuse depuis l'enfance jusqu'à sa mort en 2007. Elle avait ensuite posé des mots pour la première fois sur son octuple infanticide, dans une interview donnée à la Voix du Nord en janvier dernier. "Chaque fois, j'espérais que le bon Dieu fasse quelque chose, un miracle. Que quelqu'un me dise ‘tiens, tu es enceinte’. Peut-être que j'aurais parlé, que ça m'aurait fait un déclic et qu'on m'aurait soignée", affirmait-elle.
Des experts divisés. Les experts eux-mêmes étaient divisés sur les motivations de ces infanticides durant l’instruction. "Qu'on ne parle pas de déni de grossesse, c'est un déni d'enfant : madame Cottrez a utilisé l'assassinat comme moyen de contraception", assure Me Marie-Hélène Carlier, l'un de ses avocats. A l’inverse, Me Rodolphe Costantino, conseil de l'association Enfance et partage, constituée partie civile, affiche son incompréhension. "On voudrait comprendre car juger c'est comprendre, mais au bout du compte on n'aura pas compris grand-chose et la seule certitude avec laquelle on sortira sera les actes commis", prédit-il.
Une affaire d’une ampleur inédite. L’ampleur de l’affaire avait en tout cas largement dépassé le cadre de la France. Des médias du monde entier avaient ainsi relaté l’octuple infanticide, le célèbre magazine américain Time allant jusqu’à titrer "Pourquoi les femmes françaises tuent-elles leurs bébés ?". Il faut dire que cet infanticide est le plus important connu à ce jour en France. Des journalistes du monde entier devraient à nouveau être présents pour couvrir le procès, qui se tiendra jusqu’au 2 juillet prochain. Dominique Cottrez encourt la réclusion criminelle à perpétuité.