Lionel Guedj, ce dentiste marseillais poursuivi, aux côtés de son père, pour avoir mutilé des centaines de patients, est-il en état de comparaître cinq semaines ? Réponse mardi, après l'expertise médicale ordonnée dès l'ouverture de son procès en appel, jeudi à Marseille. La cour d'appel d'Aix-en-Provence, installée dans la salle des procès hors norme du tribunal judiciaire de la cité phocéenne, a en effet donné suite à la demande de son avocat. Le procès a été renvoyé à mardi 9h15, le temps qu'un expert évalue si la santé de l'ex-dentiste, âgé de 43 ans, est compatible avec ce nouveau round judiciaire censé durer jusqu'à fin juin.
Lionel Guedj et son père Carnot avaient fait appel de leur lourde condamnation en septembre, à huit ans de prison pour le premier, cinq ans pour le second, des peines assorties d'une interdiction définitive d'exercer la profession de dentiste. Carnot Guedj, 71 ans, libéré en mars dans l'attente de ce second procès mais sous strict contrôle judiciaire, était présent jeudi à Marseille, au milieu des dizaines de robes noires qui défendent les 319 parties civiles de ce dossier retentissant.
"L'affaire a suffisamment duré"
Visage émacié, polo gris, il a décliné son identité. Son fils, détenu à Draguignan (Var) depuis sa condamnation, était donc absent, un certificat médical des services pénitentiaires assurant qu'il n'était pas en état d'être "extrait". Atteint d'une pathologie cardiaque, il est hospitalisé en unité hospitalière pour détenu depuis le 23 mai. Il a notamment un pacemaker qui aurait dû être remplacé cet automne et, selon son avocat, Me Julien Pinelli, il aurait fait un malaise dans sa cellule mi-mai.
La poursuite du procès est donc momentanément suspendue à cette expertise. Mais la cour reste toutefois souveraine et pourrait décider de poursuivre les débats, même si l'expert médical concluait qu'il n'est pas en état de comparaître.
"L'affaire a suffisamment duré" et ces audiences sont "difficiles à organiser" d'un point de vue logistique, a ainsi fait remarquer l'avocat général, Patrice Ollivier-Maurel. Du côté des avocats des victimes, l'un a suggéré qu'il comparaisse en visioconférence. Un autre, Me Gilles Martha, avocat de l'assurance maladie, qui estime son préjudice à 1,450 million d'euros dans ce dossier, s'est lui interrogé sur les véritables intentions de Lionel Guedj : "se soustraire" ? "Il ne s'agit pas d'un renoncement à comparaître", a assuré Me Pinelli.
Ils promettaient à leurs clients "un sourire de star"
Mais, dans la salle, les dizaines de victimes bruissaient de réactions outrées. Et quelques huées sont même montées quand l'avocate de Carnot a lâché : "Dans un procès pénal, les parties les plus faibles sont les prévenus". Car pour les anciens patients, à qui Lionel Guedj avait promis un "sourire de star", le temps presse, surtout pour les indemnisations, toujours en cours parallèlement. "Il a fait appel, donc il faut tout recommencer. Nous on attend d'être soigné, d'être indemnisé", a expliqué Lamia Hammami. Venue au cabinet Guedj pour un bout de dent arraché, cette femme élégante s'était retrouvée avec 13 dents dévitalisées et huit implants : "un massacre" pour elle.
À ce jour, 26 victimes seulement ont été indemnisées par le Fonds de garantie des victimes, pour un montant moyen d'environ 26.000 euros, même si les montants varient énormément en fonction de la gravité de chaque situation. Et 71 ont reçu des provisions d'indemnisations, a indiqué à l'AFP le tribunal judiciaire de Marseille, confirmant des informations du journal Le Monde.
Le cabinet Guedj s'était implanté en 2005 dans les quartiers déshérités du nord de Marseille, avec une population dispensée d'avancer la part des soins remboursée par l'assurance maladie. Devenu en 2010 le dentiste le mieux rémunéré de France, il roulait en Ferrari, s'octroyait entre 65.000 et 80.000 euros de revenus mensuels et avait accumulé un patrimoine de 13 millions d'euros.
Selon un calcul du parquet lors du premier procès, ce jeune dentiste avenant avait dévitalisé 3.900 dents saines entre 2006 et 2012, sans aucune justification thérapeutique, sur 327 patients, dans le seul but de leur poser des bridges très rémunérateurs.