Il a été "formellement identifié". Les papiers de Mohamed Lahouaiej Bouhlel ont été retrouvés dans la cabine du camion frigorifique au volant duquel il a chargé la foule de familles réunies, à l'occasion du feu d'artifice du 14-Juillet, sur la Promenade des Anglais, à Nice. "Les relevés et comparaisons d'empreintes papillaires ont permis de confirmer l'identité du terroriste" qui a été abattu par les policiers, a indiqué François Molins, vendredi en fin d'après-midi, lors d'une conférence de presse. Que sait-on du profil surprenant de cet homme décrit très violent et instable, mais inconnu des services antiterroristes ?
Mise à jour du samedi 16 juillet : l'Etat islamique a revendiqué l'attaque de Nice, samedi matin, dans un communiqué transmis via son agence de presse Amaq. L'organisation terroriste présente le suspect, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, comme un "soldat" du califat ayant "exécuté cette action en répondant à l’appel" de l'EI.
Un Tunisien de 31 ans. Né le 3 janvier 1985, à Msaken en périphérie de Sousse (Tunisie), Mohamed Lahouaiej Bouhlel résidait dans les quartiers Nord de Nice (Alpes-Maritimes), où une perquisition a été menée vendredi matin. Selon le quotidien tunisien La Presse, il avait quitté la Tunisie pour la France en 2005, et bénéficiait d'un titre de séjour depuis une dizaine d'années.
Jeudi soir, après avoir foncé sur la foule sur près de 2 kilomètres, au volant du 19 tonnes qu'il avait loué à son nom trois jours plus tôt, il a été abattu par les forces de l'ordre. Alors qu'ils tentaient d'intercepter sa course macabre, il leur avait tiré dessus à plusieurs reprises avec "un pistolet de calibre 7.65 mm", selon le procureur. Dans la cabine du poids lourd, les enquêteurs ont également saisi - fait troublant - une grenade inopérante, avec un pistolet et deux fusils d'assaut factices.
Né en Tunisie, Mohamed Lahouaiej Bouhlel vivait depuis plusieurs années à Nice. (Crédit photo : AFP)
"Totalement inconnu" des services de renseignement. Si le mode opératoire de l'attaque, qui a fait au moins 84 morts, correspond au type d'action prôné dans "les appels aux meurtres" délivrés par l'Etat islamique, le suspect était " totalement inconnu" des services de renseignement, a souligné François Molins. L'homme de nationalité tunisienne n'a jamais été fiché S, ni signalé pour radicalisation, a précisé François Molins. A-t-il été inspiré par la propagande de l'EI ?
Tous ceux qui le fréquentaient l'assurent, il n'était ni musulman pratiquant ni radicalisé. "Je sais qu'il buvait, qu'il fumait. Il n'avait aucun rapport avec la religion, selon moi. Il faisait beaucoup de musculation, il dansait aussi, parce que j'étais dans la même salle que lui", rapporte au micro d'Europe 1 Karim, un résident du quartier où vivait Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Selon ce voisin, le suspect ne fréquentait jamais la mosquée du coin. Une voisine abonde : "Il avait des parents, certes musulmans, mais lui il l’était pas du tout. Je dirais plus qu’il était athée. Il mangeait du porc, il buvait beaucoup".
Une radicalisation express ? Pourtant, d'après une déclaration, samedi matin, du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, Mohamed Lahouaiej Bouhlel "semble s'être radicalisé très rapidement". Parmi les cinq personnes de son entourage placées en garde à vue, dont son ex-épouse, certaines auraient évoqué, selon une source policière, un "basculement récent vers l'islam radical" même si le nom de l'Etat islamique n'aurait pas été prononcé. Bien que n'apparaissant pas dans les fichiers des services de renseignement, le tueur de Nice avait des contacts en commun avec le recruteur niçois Omar Diaby, une figure du djihadisme, d'après Le Monde. Néanmoins, celui-ci est proche d’Al Nosra, et non de l'Etat islamique.
Connu pour des violences en tout genre. S'il n'était pas connu des services antiterroristes, Mohamed Lahouaiej Bouhlel était en revanche bien connu des services de police pour des faits de menace, violences, vol et dégradations, commis entre 2010 et 2016. Selon le ministre de la Justice, le tribunal correctionnel de Nice l'avait condamné, le 24 mars dernier, à six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence avec armes, lors d'une altercation, à coup de palette de bois, suite à un accident de circulation.
Placé sous contrôle judiciaire, pendant deux mois, celui-ci s'était achevé à cette date. "Il n'a jamais été incarcéré", a précisé le Garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas et "ne faisait donc plus l'objet d'aucun suivi de la part de l'autorité judiciaire au moment de l'attentat".
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"Un monstre" avec sa femme. Vendredi matin, son ex-épouse a été placée en garde à vue. D'après les témoignages de proches de cette Niçoise franco-tunisienne, avec qui il était en instance de divorce, le suspect était très violent. "Cet homme lui a mis la misère. Il la frappait dans la rue, il lui en a fait voir de toutes les couleurs alors qu'elle était enceinte. C'est un monstre, je n'ai rien à dire d'autre", témoigne une femme, très émue, au micro d'Europe 1. Selon plusieurs habitants du quartier, la jeune femme avait accouché de son troisième enfant, après le départ de son mari il y a environ un an et demi.
"Coureur de jupons"... "C’était un coureur de jupons qui n’avait aucun respect pour sa belle-famille ni sa femme", confirme une voisine. D'après Libération, Mohamed Lahouaiej Bouhlel était un grand séducteur, enchaînant à la fois à la fois "les conquêtes féminines et masculines". A la salle de sport, le trentenaire, très soucieux de son apparence, sculptait son corps, et suivait aussi des cours de salsa. "Ce terroriste peut être qualifié 'd'obsédé sexuel' au regard des auditions de ses différent(e)s partenaires", rapporte même Le Parisien, qui indique que le suspect aurait notamment eu pour amant un homme de 73 ans.
... mais aussi dépressif et violent. D'après nos informations, ses voisins décrivent quelqu'un de discret, solitaire, mais à l'humeur changeante. Poli un jour, désagréable le lendemain. D'après un résident de l'ancien immeuble où vivait Mohamed Lahouaiej Bouhlel avec son épouse, "il faisait des crises". "Quand il s'est séparé de sa femme il a déféqué partout, trucidé le nounours de sa fille à coup de poignard et lacéré les matelas", détaille cet ancien voisin.
Interrogé à Msaken, en Tunisie, son père a indiqué qu'il n'avait quasiment plus de nouvelles de son fils depuis son départ en France. Ce dernier avait souffert d'une "dépression nerveuse", "il criait, il cassait tout ce qu'il trouvait devant lui". Son père l'avait alors forcé à consulter un psychiatre, qui avait alors diagnostiqué des "troubles de la personnalité" et une "altération du discernement", selon L'Express.
Un profil inédit suscitant l'interrogation. Autant d'éléments dessinant un profil troublant et inédit pour les enquêteurs, qui cherchent à en découvrir davantage sur les raisons de son passage à l'acte. Si le parquet antiterroriste de Paris s'est saisi de l'enquête, celle-ci doit notamment s'attacher à déterminer si le tueur a pu avoir des complices, s'il a agit sur ordre ou non, et s'il a d"éventuels liens avec des organisations terroristes", a souligné François Molins.