Beaucoup avouent face à l'évidence. Peu expriment des regrets. Jugés jeudi à Valenciennes, dans le Nord pour des relations sexuelles avec une ado rencontrée sur Snapchat ou coco.gg, la plupart des onze prévenus tentent de se retrancher derrière des périodes de "brouillard" ou des "idées noires" qu'ils auraient connues à l'époque. "J'avais énormément d'idées noires, d'idées suicidaires", dit le plus jeune prévenu, 25 ans, des sanglots dans la voix. Il reconnaît plusieurs fellations, mais nie toute pénétration vaginale et tout échange d'argent, contrairement à ce qu'affirme la jeune fille, pourtant "très précise", selon la présidente.
Des images pédopornographiques ont été retrouvées sur son ordinateur. Lui évoque des fichiers "téléchargés en masse" sur le dark web. Il recherchait des images "gore" pour lutter contre son mal-être, jure-t-il, et ignorait le contenu des dossiers. Il savait la victime mineure, mais pensait qu'elle avait 16 ans, pas 14. "Pourquoi est-ce que je ne l'aurais pas crue ?" Le père de la victime le fixe, regard noir, sans un mot.
"Une connerie"
"Je n'étais pas bien, dans un brouillard. Je pensais : 'je le fais, je le fais pas ?'", se souvient un homme de 52 ans, dont la queue de cheval rousse tire vers le gris. En rencontrant la victime, il était "un peu saisi", se souvient-il, lui "donnait 16 ans". Mais l'a quand même laissée lui faire une fellation. "J'ai fait ça pour savoir si je pouvais encore plaire", assure un autre prévenu, banquier, 25 ans, qui reconnaît lui aussi des rapports sexuels.
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Il voulait savoir à travers ces relations s'il était "encore amoureux de sa compagne", avec qui il est encore en couple, mais qui connait les faits depuis son interpellation, en janvier. Il poursuit : "Je veux conseiller à tout le monde, s'ils voient un psy qui ne leur convient pas, d'aller en voir un autre". "C'est le seul conseil que vous ayez à donner ? Et contacter des mineures sur les réseaux sociaux ?", rétorque l'avocat de l'adolescente, Grégory Frère.
"J'ai fait une connerie", reconnaît un autre prévenu, 47 ans. "Mais ce n'est pas moi qui suis allé la draguer, c'est l'inverse." Il finit par s'excuser : "J'espère qu'elle pourra se reconstruire et avoir une vie épanouie", lâche-t-il, dans une rare expression de regrets. Tous ont rencontré l'adolescente sur internet, majoritairement sur Snapchat et sur le site coco.fr, sur lequel il suffit de donner son genre, son âge, son code postal et un pseudo, sans aucun contrôle.
"Besoin d'être seule"
Des profils extrêmement variés se succèdent à la barre : 25 à 60 ans, ici un salarié Stellantis à Valenciennes, là un boulanger de 27 ans qui "ne nie pas" avoir été proxénète via Snapchat, mais réfute tout rapport sexuel avec l'adolescente. Cinq prévenus sont poursuivis pour "recours à la prostitution d'un mineur", six autres pour "atteinte sexuelle sur mineur". Mais le caractère tarifé des relations n'est pas au centre des débats. Ils sont, en outre, tous soupçonnés de "sollicitation" et "détention de l'image d'un mineur à caractère pornographique". Un douzième prévenu n'est poursuivi que pour ces derniers faits.
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L'enquête a commencé lorsque les parents de l'adolescente se sont présentés à la gendarmerie de Bouchain dans le Nord en avril 2023, inquiets de son absence, a retracé la présidente du tribunal. Retrouvée chez l'un des prévenus dans le Pas-de-Calais, elle a expliqué sa fugue par un "besoin d'être seule", notamment justifié par l'alcoolisme de sa mère. L'enquête a permis d'identifier 54 comptes avec lesquels l'adolescente a échangé, notamment des photos dénudées. Les principaux faits ont duré d'octobre 2022 à avril 2023.
Le dossier a été "correctionnalisé", reconnaît la procureure, qui demande cependant que les atteintes sexuelles soient requalifiées en agressions sexuelles. Un autre prévenu déjà jugé dans la même affaire, notamment pour "recours à la prostitution d'un mineur", a été condamné en février à deux ans de prison, dont 18 mois avec sursis.