Le périple meurtrier aura duré un peu plus de quatre heures. Il ne visait ni la capitale, ni un symbole ou une grande ville, mais une zone rurale du sud de la France. Vendredi, un homme de 25 ans, né au Maroc et connu de la police comme un "petit dealer", a frappé le département de l'Aude, autour de la ville de Carcassonne, faisant quatre morts et plusieurs blessés graves. Les attaques ont été revendiquées par l'organisation Etat islamique (EI). Europe 1 fait le récit d'une journée de terreur en trois temps.
Quatre CRS non armés. Vendredi matin, peu après 10 heures. Radouane Lakdim avance dans le quartier du chemin de la cité, à Carcassonne, probablement à pieds. Armé, il braque les occupants d'une voiture. Le passager est tué d'une balle dans la tête. Le conducteur, grièvement blessé. Tous deux sont abandonnés dans un fossé. L'assaillant s'empare lui du véhicule et poursuit sa route. Le survivant parvient, lui, à appeler les secours.
À quelques centaines de mètres de là, quatre CRS d'une compagnie marseillaise, en mission à Carcassonne, terminent un footing à proximité de leur caserne. En passant à leur niveau, Radouane Lakdim fait feu, depuis la voiture. En pleine séance de sport, les militaires ne sont pas armés : ils ne peuvent pas riposter. Au moins cinq balles les visent. L'un d'entre eux est touché au poumon, à quelques centimètres du cœur. Son pronostic vital n'est pas engagé.
"Un deuxième coup de feu…" Radouane Lakdim prend la fuite et parcourt cette fois quelques kilomètres. L'homme quitte la périphérie de la ville de 50.000 habitants pour une petite localité voisine, la commune de Trèbes. Là, il se gare sur le parking du Super U, sort du véhicule avec son arme, et pénètre dans le magasin. D'emblée, il tire.
Au fond du magasin, Jacky, boucher du supermarché, entend un grand "boum". "Je pensais qu'il y avait quelque chose qui était tombé. Mais non, c'était un coup de feu, puis un deuxième coup de feu…" Marine et Sabrina, deux de ses collègues, l'aident à organiser la fuite d'un maximum de clients par la porte de secours, derrière la boucherie. Une trentaine de personnes peut ainsi gagner le garage Peugeot voisin. D'autres se cachent dans un frigo et préviennent les forces de l'ordre.
Une otage contre un gendarme. À l'entrée du Super U, un témoin entend le forcené crier "Allah Akbar". Deux personnes tombent sous les balles. Un client et Christian, l'autre boucher du magasin, qui venait de fêter ses cinquante ans. Une dizaine de personnes restent prises en otage.
Un lieutenant colonel du groupement de gendarmerie de l'Aude, est l'un des premiers à se présenter devant le magasin. Militaire aguerri, ancien de la garde républicaine, le fonctionnaire se propose de prendre la place de la femme directement tenue en otage par l'assaillant. Il parvient à convaincre Radouane Lakdim et se retrouve seul avec lui. Le gendarme pose son téléphone portable sur la table, permettant à ses collègues et aux renforts du GIGN de suivre l'évolution de la situation.
Référence à Salah Abdeslam. Les derniers occupants du magasin parviennent à quitter les lieux, sous la protection des gendarmes. Le secteur est entièrement bouclé, "interdit" par la préfecture. Dans les écoles et collèges avoisinants, les enfants sont confinés. Via le téléphone, Radouane Lakdim échange de manière confuse avec un négociateur régional du Raid, réclamant notamment la libération de Salah Abdeslam, seul survivant des commandos du 13-Novembre.
Puis les communications s'espacent. Peu avant 14h30, les négociateurs entendent trois coups de feu. Après plus de trois heures de prise d'otage, l'événement précipite l'assaut. Le forcené riposte avant d'être abattu. "Héroïque", selon les mots du ministre de l'Intérieur, le lieutenant colonel est lui grièvement blessé sur le coup. Immédiatement transporté à l'hôpital, le gendarme est mort des suites de ses blessures dans la nuit, a annoncé samedi matin le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.