La préfecture de police de Paris a enregistré une hausse de 20% de la délinquance attribuée aux mineurs non accompagnés du Maghreb entre 2019 et 2020. Au premier trimestre, les policiers ont mené 2.360 interpellations de mis en cause qui se prétendent mineurs non accompagnés d’origine nord-africaine. Mais certains sont en réalité majeurs et cherchent ainsi à échapper à des sanctions plus sévères.
Un dispositif a ainsi été mis en place pour lutter contre ce phénomène. Depuis un an et demi, la préfecture de police adresse les empreintes des interpellés aux autorités algériennes, marocaines et tunisiennes, qui consultent leurs fichiers pour s’assurer de l’identité des mis en cause.
Se dire mineur pour éviter une sanction pénale plus sévère
Les mineurs non accompagnés du Maghreb, qui ne représentent que 6% de la délinquance sur la voie publique au premier trimestre 2021, sont surreprésentés dans certains délits : 30% des vols à la tire, 26% des vols avec violences ou encore 29% des interpellations pour cambriolages, contre 3% seulement au premier trimestre 2017. Cette hausse peut notamment s'expliquer par la crise sanitaire. Avec moins de touristes dans les rues et moins de déplacements en transports en commun, les délinquants ont dû se diversifier.
Mais ces chiffres ne reflètent pas totalement la réalité. En effet, ce sont des statistiques déclaratives, qui recouvrent l’ensemble des délinquants qui se présentent comme mineur non accompagné du Maghreb. Le plus souvent, ces suspects n’ont pas de papiers, donnent des alias aux policiers et se disent mineurs pour éviter une sanction pénale plus sévère et ne pas faire l’objet de mesure d’éloignement.
Comparer les empreintes digitales avec les fichiers des pays d’origine
Jusque-là, les services de police étaient donc démunis pour distinguer les majeurs des mineurs. Ils pouvaient parfois s’appuyer sur des examens osseux demandés par la justice, mais ne disposaient d’aucun moyen infaillible pour établir l’identité et donc l’âge des mis en cause. Depuis fin 2019, la Direction de la sûreté de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) expérimente un dispositif qui leur permet de comparer les relevés d’empreintes digitales avec les fichiers des pays d’origine.
"On relève les empreintes digitales des mis en cause en garde à vue, on les met au format international et la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et la Direction de la Coopération internationale (DCI) les envoient à nos officiers de sécurité en Algérie, au Maroc et en Tunisie", explique Valérie Martineau, la directrice de la DSPAP. "Ces officiers de sécurité les transmettent aux autorités locales, qui les comparent à leur fichier automatisé des empreintes digitales. Ce sont des fichiers qui recèlent les empreintes de tous les ressortissants qui ont demandé une carte d’identité, contrairement au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) français qui ne contient que les empreintes des personnes ayant commis des infractions", précise-t-elle.
1.122 demandes transmises aux autorités au Maghreb et 256 retours
Le dispositif commence à faire ses preuves. D’abord expérimenté à Paris, il a été étendu en début d’année à toute la préfecture de police, la Seine-Saint-Denis, la Seine et Marne et le Val-de-Marne. 1.122 demandes ont été transmises aux autorités algériennes, marocaines et tunisiennes, pour 256 retours. Dans l’écrasante majorité des cas (95%), ce sont des majeurs.
"On a ce retour plusieurs semaines après la garde à vue mais ce n’est pas grave", estime Valérie Martineau. "Comme ce sont des individus qui sont dans une délinquance sérielle, on sait qu’à un moment donné on va les reprendre et on pourra leur opposer l’identité communiquée par les autorités du Maghreb. De la même manière, si le faux mineur part dans une autre ville comme Bordeaux ou Nantes, son identité sera inscrite dans le fichier des antécédents judiciaires et tous les services de police y ont accès."
D’autres préfectures intéressées par le dispositif
La DSPAP estime que ce dispositif permet désormais de faire aboutir deux à trois procédures judiciaires par semaine. D’autres préfectures, comme les Hauts-de-France et l’Ille-et-Vilaine, se montrent intéressés par ce dispositif.
Mais ce système présuppose une condition sine qua non : avoir les empreintes digitales des mis en cause. Or de nombreux gardés à vue refusent, même s'il s'agit un délit puni d'un an de prison. Le député LR Antoine Savignat, auteur d’un rapport parlementaire sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés, plaide pour système plus contraignant. "Il faudrait peut-être une échelle des peines plus importantes ou des sanctions effectives en cas de refus de voir ses empreintes prélevées", propose l'élu. Le rapport plaide également pour renforcer la coopération avec les pays d’origine mais aussi les pays de transit, afin de permettre l’identification des mineurs non accompagnés ou de ceux qui se présentent comme tels.