C'est une opération présentée comme inédite par Bercy, destinée à lutter contre l'importation de tabac de contrebande, dont la France est devenue une plaque tournante. Baptisée "Colbert", du nom du contrôleur général des Finances sous Louis XIV, père de la douane moderne, elle s'est matérialisée par 300 opérations de contrôle, menée aux quatre coins du territoire par des douaniers depuis le 31 mai dernier.
L’année dernière, les douaniers avaient saisi près de 650 tonnes de tabac illégal. Ce qui représente une hausse de près de 60% en un an. Selon un document du renseignement douanier qu’Europe 1 s'est procurée, les flux proviennent majoritairement d’Europe de l’Est (Roumanie, Pologne, Hongrie). Les cigarettes contrefaites entrent ensuite en France par l’Italie et la Suisse à bord de semi-remorque. Avant d’être écoulées à travers un trafic dit de "fourmi".
Plus de 100 tonnes saisies
Une partie d’entre elles sont ensuite réacheminées vers le Royaume-Uni par ferry ou voie routière. Et, phénomène inquiétant, les forces de l’ordre observent désormais l’implantation d’usines clandestines directement sur le territoire français. La première a été démantelée il y a un an et demi en Seine-et-Marne. Cinq suspects, principalement Moldaves, ont été interpellés. Ils étaient liés à un homme connu pour sa proximité avec le grand banditisme français qui voit dans le tabac illégal une source de revenu importante pour un risque pénal faible, comparé au trafic de stupéfiants.
Les organisations criminelles louent des entrepôts dans les zones industrielles et importent le tabac en vrac de l’étranger. Et façonnent ensuite les paquets et les cartouches sur place, détaille un enquêteur spécialisé. En début d’année, près de Rouen, les gendarmes ont découvert deux chaînes de production clandestine avec des moulins de tubage. Plus de 100 tonnes de tabac avaient été saisies pour une valeur de 14 millions d’euros.
Les malfaiteurs avaient même façonné une zone de vie avec un dortoir équipé de couchages et un coin cuisine qui leur permettait de vivre sur place. Signe que cette activité criminelle va souvent de paire avec le trafic d'êtres humains, utilisés comme main d’œuvre pour intensifier la production.