À quelques jours du second tour des élections législatives anticipées, le secteur du logement se montre attentiste et espère qu’une majorité claire permettra de relancer une activité, aujourd’hui en difficulté. Dans ce cadre, Loïc Cantin, président de la FNAIM a choisi Europe1.fr pour analyser les programmes des partis en présence et pour avancer des propositions concrètes.
Le choix par le logement
(tribune de Loïc Cantin président de la FNAIM)
C’est une première victoire collective pour la filière : le logement, grand absent de la pensée politique lors des précédents scrutins électoraux, a retrouvé une place estimable dans les programmes des partis présentant des candidats à la députation. Voilà qui laisse espérer que l’action publique, au lendemain de la recomposition du paysage politique, dote le logement et l’immobilier du statut qu’ils méritent : être des priorités de l’action publique. L’absence de considération au sommet de l’État pendant sept ans a conduit le secteur dans une situation d’affaiblissement terrible, au détriment des ménages d’abord.
Pour la plupart d’entre eux, se loger est devenu un défi insurmontable. Les entreprises ensuite, qui font notre appareil de production et de service, souffrent comme jamais par le passé, avec des conséquences lourdes sur l’économie : 1 agence immobilière sur 24 a fait faillite ces 12 derniers mois... Enfin, les ressources fiscales s’en trouvent réduites, au pire moment.
Cette élection sonne le retour du logement comme marqueur fort. Les programmes sont politiquement marqués Professionnels de l’immobilier nous mesurerons leur efficacité sans considération partisane et notons d’ores et déjà que si la thématique est enfin abordée, aucun programme ne semble pourtant suffisant…
Pourquoi ?
La majorité présidentielle, après le récent mea culpa du Président de la République, n’a pas passé sous silence la question du logement, bien que ce qui est proposé par la coalition aujourd’hui au pouvoir soit très court. Alors que le Gouvernement dispose des travaux du Conseil national de la refondation et de tant d’autres rapports commandés à des parlementaires, les rares propositions ne sont guère suffisantes et rassurantes.
La mesure phare, annoncée haut et fort, l’exonération des droits de mutation à titre onéreux pour les premières acquisitions jusqu’à 250.000 euros, est séduisante, mais elle présente plusieurs faiblesses. D’une part, elle risque d’être récupérée par les vendeurs et ainsi neutralisée, pour un coût estimé de près de 2 milliards d’euros ! En outre, est-elle constitutionnelle en ne s’adressant qu’à une partie des acquéreurs, créant une inégalité devant l’impôt. La création
d’un fonds pour la rénovation énergétique des logements des ménages aux revenus faibles et intermédiaires relève du marketing : il s’agit en fait de doter budgétairement à bonne hauteur les aides existantes, MaPrimeRénov en tête. L’enjeu avoué de rehausser la performance énergétique de 300.000 logements de plus par an est louable, encore faudrait-il commencer par stimuler la création d’emplois pour y parvenir. La suppression des droits de donation ou de succession jusqu’à 150.000 euros entre parents et enfants et 100.000 euros vers les petits-enfants est évidemment souhaitable, car cela favorisera la primo-accession.
Le Nouveau Front Populaire affiche des ambitions pour la transition écologique des logements comparables, avec la volonté que le reste à charge soit nul pour les ménages modestes. La volonté d’une souveraineté française pour produire des énergies renouvelables relève d’un projet industriel plus que de la politique de l’habitat, au demeurant louable. L’objectif de construction de 200.000 logements sociaux par an pendant 5 ans est généreux, mais irréaliste, et il vaudrait mieux faire confiance aux bailleurs privés en passant avec eux un contrat, les inclinant à des loyers plus bas en contrepartie de facultés de déductions fiscales majorées, qu’on choisisse la déduction forfaitaire des charges ou l’amortissement.
Quant à l’abrogation de la loi Kasbarian, qui a renforcé les possibilités des propriétaires de faire valoir leurs droits, elle enverrait un signal désastreux, comme l’encadrement généralisé des loyers, alors que peu de territoires exigent ce geste contraignant et dissuasif de l’investissement. Le projet d’une garantie universelle des loyers est encore brandi, alors que la preuve avait été administrée au moment du vote de la loi ALUR qu’il était économiquement intenable…
La situation du pays s’est dégradée et l’idée relève du doux rêve : mieux vaudrait systématiser le recours aux assurances privées, pour faire baisser leur coût et réduire leur sélectivité. S’agissant de la primo-accession, élargir le prêt à taux zéro à tout le territoire avec la même quotité et le rouvrir à la maison individuelle serait évidemment salutaire, comme de renforcer les capacités d’hébergement d’urgence pour les sans-abris et les plus démunis. En revanche augmenter de 10% indistinctement toutes les aides au logement ne semble pas responsable budgétairement, avec un coût de l’ordre de 2 milliards d’euros. Mieux vaudrait rétablir l’APL accession, comme nous le proposons pour un coût quatre fois moindre.
Enfin, le Rassemblement National avance un train de mesures complet, à l’instar du bloc de gauche. On notera qu’il propose l’instauration d’un accès prioritaire au logement social pour les travailleurs de secteurs d’activité sensibles, notamment pour lesquels les personnes doivent vivre à proximité de leur emploi, infirmiers, enseignants ou encore professions de la restauration. Il ne veut pas en revanche d’une règlementation excessivement dure des locations meublées de courte durée, qui obèrerait la liberté des investisseurs.
C’est encore cette liberté qui est favorisée par l’abrogation voulue par le RN d’interdiction de louer pour cause de mauvaise performance énergétique et d’obligation de travaux sans contrepartie d’accompagnement de la rénovation énergétique. Rien en matière de crédit, mais la candidate à la présidentielle de 2022 s’était dite favorable à la portabilité des prêts que nous défendons et continuerons de défendre.
En matière de fiscalité, les engagements sont audacieux, généreux et largement distributifs : exonérer d’impôt sur le revenu les moins de trente ans libèrerait une capacité d’emprunt appréciable pour les jeunes ménages, mais le coût de la mesure est-il supportable, et faut-il rompre ce lien entre l’État et une catégorie de citoyens créé par l’impôt ? Effacer les droits de donation envers les enfants et les petits-enfants jusqu’à 100.000 euros tous les dix ans, les droits de succession pour les familles modestes ou encore remplacer l’impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune financière sont aussi des mesures qui favoriseraient la volonté de constituer un patrimoine dans la pierre. Sont-elles raisonnables et mesurées dans un contexte ou les recettes de l’état sont exsangues ?
Dans ces trois programmes la surenchère de propositions est marquante et les manques sont criants. Aucune proposition n'apparaît afin de relancer la construction neuve aujourd'hui à l'arrêt, et les moyens d’y parvenir. Comment redonner confiance à un investisseur dans le secteur locatif privé ? Comment accompagner les primo-accédants et favoriser leur parcours résidentiel ? Des mesures pragmatiques, réalistes sont pourtant attendues de toute urgence pour les Français, aujourd'hui bien plus qu’hier. Le logement sera dimanche prochain l’un des sujets distinguant les partis et leurs candidats aux élections législatives. Il permettra un choix civique dépassionné, seulement guidé par le souci de restaurer la confiance des ménages et de réanimer le marché.
La FNAIM au lendemain du second tour poursuivra son travail de conviction et de mobilisation au service de l’intérêt général inscrit dans son ADN en appelant au renforcement et à l’élargissement de l’Alliance pour le logement dans la période d’incertitude et d’instabilité que notre pays est en proie de traverser.
Loic Cantin
Président de la FNAIM.