Les promoteurs immobiliers sont au bord du gouffre. Avec des ventes de logements neufs en chute libre - -30% et des mises en vente en recul de 50% au troisième trimestre -, beaucoup d’entre eux ont des sueurs froides. Certains commencent à licencier, d’autres mettent, carrément, la clé sous la porte. Selon Pascal Boulanger, le président de l’observatoire de la Fédération des promoteurs immobiliers, le pire est encore à venir malgré la décision d’Elisabeth Borne de faire racheter une partie des logements neufs invendus par les bailleurs sociaux.
Comment expliquez-vous cette chute brutale des ventes de logements neufs en France ?
Pascal Boulanger : D’abord, beaucoup de maires ne veulent plus délivrer de permis de construire, car un chantier, ce sont des mois de travaux, des désagréments, des habitants qui ne veulent pas de grues ou de pelleteuses sous leurs fenêtres, de possibles actions en justice. Résultat, les maires sont comme paralysés. Ensuite, il y a très peu d’acquéreurs et ceux qui réservent un appartement se désistent comme jamais. On parle de 50% de particuliers qui jettent l’éponge, contre 13% en temps normal.
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Il y a un effet psychologique très néfaste, les clients croient que les banques ne veulent pas prêter. C’est faux, les banques veulent rouvrir les vannes du crédit, mais les acquéreurs ne sont pas au rendez-vous, convaincus qu’ils ne décrocheront pas le précieux financement à 4 ou 4,5%. Il faut aussi assouplir les conditions d’endettement des ménages pour qu’ils puissent devenir propriétaires. Je le demande solennellement au gouverneur de la Banque de France. Enfin, l’État nous impose de démarrer les travaux de construction lorsque l’on a 50% de réservations, or, avec la crise, il faut tellement de temps, aujourd’hui, pour atteindre ce chiffre, que les immeubles sortent de terre avec un retard considérable.
Les professionnels de l'immobilier parient sur un solde de constructions neuves en-dessous de 100.000 unités, vous confirmez ?
P.B. : On devrait être en 2023 aux alentours de 90.000 logements neufs sortis de terre. Je vous le confirme, c’est la pire année pour le secteur. C’est tout simplement historique depuis le début de nos statistiques dans les années 1970, on n'a jamais vu ça.
Voit-on déjà des conséquences visibles sur l'emploi ?
P.B. : Malheureusement oui, nous ne remplaçons plus les démissions ou les départs en retraite. Certains collègues sont en liquidation judiciaire, tout comme des notaires. Il y a également beaucoup de casse dans les cabinets d’architecture. À mon avis, le pire est à venir.
La Première ministre, Elisabeth Borne, annonce un nouveau plan de rachat de logements neufs par les bailleurs sociaux pour aider les promoteurs à s’en sortir, est-ce une bonne nouvelle ?
P.B. : Vous connaissez l’expression, faute de grive, on mange des merles. C’est exactement ce qui nous arrive et je vous l’avoue, je suis très en colère parce que quand nous vendons à des bailleurs sociaux, nous ne faisons aucune marge, la Première ministre le sait. Je lui pose d’ailleurs cette question : "Vous connaissez beaucoup d’entreprises qui peuvent vivre ou survivre longtemps dans ces conditions ?" Moi non ! En fait, le gouvernement n’aime pas l’investisseur privé, ils me l’ont dit ! Il ne l’aime pas parce que le particulier réclame des avantages fiscaux pour devenir propriétaire et en plus comme c’est un vilain petit canard selon eux, il rechigne à réaliser les travaux de rénovation énergétique coûteux dans les copropriétés, donc le gouvernement préfère un seul propriétaire du bien, comme une foncière ou un bailleur social pour être tranquille.
Enfin, le gouvernement ne veut plus aider financièrement le logement, car il pense que ça va faire dégonfler "la bulle", dégonfler les prix. C’est une erreur d’analyse complète, une hérésie, car les coûts de construction ne cessent d’augmenter. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les promoteurs rabotent leurs tarifs ? C’est tout simplement impossible.