En France, on perd en moyenne 23 heures par an dans les embouteillages. À Paris, ce nombre monte même à 65 heures et à Los Angeles, à 104 heures. Le constat est simple : les bouchons nous font perdre du temps, de l'argent, et sont mauvais pour l'environnement. Or dans la nature, les animaux qui vivent en groupe évoluent, eux, avec une grande fluidité. Pour comprendre pourquoi, des chercheurs du Centre de recherche sur la cognition animale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier), de l’université d’Arizona et d'Adélaïde ont étudié l'une des espèces vivantes les mieux organisées socialement : les fourmis. Leurs résultats ont été publiés mardi 22 octobre dans la revue eLife.
Dans une fourmilière en effet, tout le monde a son rôle à jouer. Les ouvrières s’occupent de l’approvisionnement en matériaux et en nourriture, les nourrices prennent soin des œufs pondus par la reine, elle-même engagée dans toutes les décisions stratégiques et politiques, et les guerrières protègent leurs sœurs des différents dangers auxquels elles pourraient être confrontées. Une organisation millimétrée, où tous les individus se croisent pour accomplir leurs taches, mais sans jamais se ralentir.
Pas d'embouteillages même en cas de forte densité
Pour leur étude, les chercheurs ont filmé 170 expériences visant à varier le trafic de fourmis parties en quête nourriture, pour tenter de provoquer des embouteillages. Ponts, tunnels étroits... Rien n'y a fait. Même lorsque la densité des fourmis est doublée, ces dernières ne se freinent pas, au contraire. Plus elles sont nombreuses, plus leur vitesse augmente et plus le trafic est fluide ! Mais pour arriver à un tel niveau de circulation, "organisation" et "communication" sont les mots d’ordre. Les fourmis sont en effet capables d’échanger des informations grâce aux phéromones, un moyen de communication tout aussi complexe que le langage humain. Elles peuvent, entre autres, indiquer de nouvelles routes à leurs semblables lorsque le chemin principal est occupé et les orienter vers d’autres sources de nourriture si nécessaire.
Un modèle qui pourrait bien nous faire gagner du temps, grâce au "biomimétisme", qui vise à s’inspirer du vivant pour faciliter notre quotidien et à mieux utiliser l'intelligence collective. Même si les humains ne sont pas soumis aux mêmes logiques d'organisation, plus individualistes. "Si le trafic chez les fourmis présente de nombreuses analogies avec les déplacements de piétons et de véhicules, il repose aussi sur des différences fondamentales", précisent ainsi les chercheurs, à commencer par l'existence du code de la route. Dans le cas des embouteillages humains, les voitures du futur seront peut-être malgré tout capables de communiquer entre elles des informations liées à la densité du trafic et de proposer d’autres routes aux conducteurs. Tout ça grâce aux fourmis !