Miel ou drogue ? Pour les douanes américaines, difficile de faire la différence. Au détriment d'un homme, détenu pendant 82 jours à la suite de cette erreur d'appréciation.
Une histoire kafkaïenne
Cette histoire kafkaïenne est arrivée à Leon Haughton, un père de famille de 45 ans qui, comme chaque Noël depuis qu'il s'est installé dans l'État du Maryland il y a une dizaine d'années, va rendre visite en hiver à sa famille jamaïcaine. Comme le rapporte vendredi le Washington Post, les incroyables démêlés juridico-administratifs de cet homme commencent le 29 décembre dernier, à l'aéroport de Baltimore, lorsqu'un chien des douanes se met à renifler son sac. À l'intérieur : trois grandes bouteilles dûment étiquetées de miel artisanal, avec lequel il aime aromatiser son thé.
Mais les douaniers le soupçonnent, selon l'acte d'inculpation, de transporter de la méthamphétamine liquide, et le placent en détention. Les résultats d'un laboratoire du Maryland mettent plus de deux semaines à arriver : ils sont négatifs. Leon Haughton se pense tiré d'affaire. Il a tort.
82 jours de détention pour rien
D'abord, le laboratoire utilisé pour les premiers tests n'est pas suffisamment équipé pour analyser des liquides. Il faut donc envoyer les bouteilles à un deuxième laboratoire, dans l'Etat de Géorgie. Ensuite, l'arrestation du Jamaïcain, détenteur d'une carte verte lui permettant de résider légalement aux Etats-Unis, a déclenché une procédure auprès des services de l'immigration, que son avocat a toutes les peines du monde à contacter. Et pour cause : l'administration américaine est alors affectée par le "shutdown", la paralysie généralisée des services publics causé par le bras de fer entre Donald Trump et l'opposition démocrate sur le financement du mur que le président souhaite ériger à la frontière avec le Mexique.
Les analyses effectuées en Géorgie confirment finalement que Leon Haughton transportait bien du miel. Il est libéré le 21 mars, 82 jours après son retour de vacances. Près de trois mois derrière les barreaux, éloigné de sa compagne et de ses enfants, qui lui ont fait perdre ses deux emplois dans le nettoyage et le bâtiment. "Ils ont ruiné ma vie", a confié au Washington Post le quadragénaire, pour qui la pilule est forcément difficile à avaler. Même avec du miel.