L’INFO. Appels au boycott ou carrément à la fermeture, retrait d'annonceurs : le réseau social ask.fm, très prisé des adolescents, est au cœur d'une polémique au Royaume-Uni après le suicide d'une jeune fille, victime de harcèlement. Hannah Smith, une Britannique de 14 ans, s'est pendue le 2 août après avoir reçu sur ce site des messages insultants sur son physique. Certains l'auraient même incité à se tuer, selon son père.
Ask.fm, comment ça marche ? Ce drame a déclenché un vif débat sur le fonctionnement de ce réseau social basé sur le principe des questions-réponses. Sur Ask.fm n'importe quel internaute peut envoyer des messages de façon anonyme à un utilisateur du site. Les messages vont du plus conventionnel ("tu écoutes quoi comme style de musique?"), au plus dragueur ("Salut belle fille"), voire des plus vexants ("t'es un mec ou une fille?" ou "t'es moche"). Et pour l’instant, le succès est au rendez-vous puisque le site, lancé en 2010 par les frères Mark et Ilja Terebin, basé en Lettonie, a plus de 60 millions d'inscrits dans le monde avec 13,2 millions d'utilisateurs quotidiens.
C'est le cas d'un jeune Ecossais de 14 ans, interrogé par l’Agence France Presse, qui a utilisé ce site pour partager les hauts et les bas de sa vie amoureuse et sa passion pour la série de science-fiction Doctor Who. Mais l'une de ses amies a eu des idées suicidaires à la suite d'une série de messages. "Rien ne semblait arrêter ces anonymes", a-t-il assuré.
>>> A lire : Ask.fm : quand les ados la jouent "trash"
Un site "abject". Devant la polémique croissante, le Premier ministre britannique David Cameron a appelé jeudi à boycotter ces types de sites, qu'il a qualifiés d'"abjects". De leur côté, plusieurs entreprises ou associations, dont Specsavers, Save the Children, Vodafone, McDonald's, British Airways ou bien encore eBay ont indiqué avoir pris les mesures nécessaires pour ne plus diffuser de publicité sur le site, rapporte The Guardian.
Pour l'association BeatBullying, spécialisée dans la protection des jeunes sur Internet, il y a un véritable manque de contrôle. "Il n'y a pas de modération. Personne n'a de comptes à rendre. C'est devenu une plate-forme pour promouvoir la haine", accuse Anthony Smythe, directeur de BeatBullying. Selon l'association, un adolescent sur trois est victime de messages insultants ou haineux sur internet. "Dans les écoles, la plupart des jeunes à qui nous parlons ont au moins été témoins de cyber-harcèlement", souligne Anthony Smythe.
La "Une" du Daily Mail (7 août) :
Des internautes "heureux". Devant l'avalanche de critiques, les frères Terebin ont publié un communiqué pour tenter de "rassurer les utilisateurs et les parents d'utilisateurs" à propos des procédures en place permettant de signaler des contenus abusifs. "La vaste majorité de nos utilisateurs sont des adolescents très heureux", ont-ils affirmé. "Le harcèlement est un très vieux problème que nous ne tolérons en aucun cas mais si son développement sur Internet est préoccupant, il n'est certainement pas spécifique à notre site", se sont-ils défendus.
Plusieurs suicides en un an. Ce n’est pas la première fois que ce réseau social est au cœur d’une polémique. Le rôle de ce site a été lié dans la presse à au moins quatre autres suicides d'adolescents depuis un an, en Irlande, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Charron Pugsley-Hill, dont la nièce Ciara Pugsley, 15 ans, a été retrouvée pendue dans un bois près de sa maison en Irlande en septembre 2012, a raconté comment la jeune fille avait été la cible sur ask.fm de critiques sur sa santé mentale et son poids. "Elle avait dit qu'elle n'avait pas le moral, et des gens lui disaient ‘eh bien va te suicider, tu es une idiote qui cherche à attirer l'attention’", a-t-elle expliqué à l’agence France Presse. Si elle reconnaît que "tous les suicides sont très complexes", la tante de la jeune fille pense que ces messages ont "tout au moins été un facteur ayant contribué" à sa mort.