Nom de code de l'objectif : HVT, pour High Value Target (cible à haute valeur). C’est ainsi que les forces militaires américaine ont désigné la cible de leur opération : Oussama Ben Laden. Depuis l’été 2010, les services de renseignements surveillent une étrange villa d'Abbottabad, ville située à environ 80 kilomètres au nord de la capitale pakistanaise Islamabad.
Cette immense maison fortifiée, dans laquelle ne vivraient que deux discrètes et banales familles est alors scrutée par les satellites espions de la NSA. Début 2011, les services de renseignements en sont persuadés : c’est là que se cache le leader charismatique d’Al-Qaïda ainsi que l’un de ses deux messagers. Informé à la mi-mars, Barack Obama donne son feu vert : il faut intercepter Oussama Ben Laden.
Une réplique de la résidence en taille réelle
Dès lors, l'opération commando, baptisée Geronimo, est minutieusement préparée : les Américains construisent même une réplique taille réelle de la résidence, afin que les forces spéciales puissent s'entraîner. Il faut dire que la propriété, immense, ceinte de hauts murs et entourée de barbelés, avait de quoi intriguer les services de renseignements.
Jeudi dernier, les plus proches conseillers de Barack Obama, réunis dans la "Situation Room" de la Maison Blanche, ne parviennent toujours pas à se mettre d'accord sur la tenue de l'opération commando. Trois scénarios se présentent : lancer l'opération, effectuer une attaque aérienne ou bien attendre, afin de savoir avec plus de certitudes si Ben Laden se trouvait bien le complexe d'Abbotabad. Le chef d'Etat américain reporte sa décision au vendredi matin, où il lance : "on y va" à son plus proche cercle, juste avant de se rendre en Alabama.
Dimanche 1er mai, 22h15, heure de Paris. Le Seal Team Six, un commando d’élite des Navy SEALS basé en Afghanistan, se lance à l’assaut de la bâtisse fortifiée, profitant d'une nuit sans lune au Pakistan.
Obama suit l'assaut en direct
Barack Obama, entouré de ses proches conseillers, enfermé dans la salle de crise de la Maison Blanche, suit l'assaut minute par minute. Outre Obama, sont présents la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, le secrétaire à la Défense Robert Gates, le conseiller à la sécurité nationale Tom Donilon et le premier conseiller de Barack Obama pour les affaires de terrorisme John Brennan. La tension est extrême : "les minutes semblaient des jours", affirme au correspondant d'Europe 1 John Brennan.
Ils sont 24 hommes à débarquer à partir d’hélicoptères Black Hawk. Les ordres sont les suivants : capturer Ben Laden vivant s'il accepte de se rendre. Le cas échéant, ne pas hésiter à ouvrir le feu. "Les troupes américaines ne cherchent pas à tuer s'il existe un moyen d'obtenir d'une reddition conforme aux règles d'engagement militaires. Cela dit, je pense que l'idée était largement partagée que cela allait se terminer par une mort", a précisé un responsable américain.
Ben Laden n'était pas armé
Arrivés sur site, les soldats américains découvrent trois familles, dont celle de Ben Laden, dans deux bâtiments distincts du complexe. Le commando échange des tirs avec les occupants de la villa. Ils répliquent et progressent rapidement. Bilan : trois hommes et une femme périssent dans la fusillade. Une épouse de Ben Laden, que l'on croyait morte au départ, n'est en fait que blessée. La femme tuée dans le raid n'a pas été utilisée comme bouclier humain, a précisé un responsable, corrigeant de précédentes déclarations.
Oussama Ben Laden n'est pas armé au moment de l'assaut, a finalement précisé mardi la Maison Blanche, après avoir livré des versions contradictoires et dit que l'ex-chef d'Al-Qaïda avait participé aux échanges de coups de feu. Toutefois, Ben Laden oppose une "résistance" et fait des "gestes menaçants", affirme le directeur de la CIA, Leon Panetta. "Il y a eu des gestes menaçants qui ont clairement représenté une vraie menace pour nos hommes et c'est pour cette raison qu'ils ont tiré", a-t-il ajouté.
La fusillade à peine terminée, le chef d’Al-Qaïda est retrouvé mort, tué d’une balle en pleine tête. Il a également été touché à la poitrine. Dans la salle de crise de la Maison blanche, Barack Obama reçoit ce message : "Geronimo e.k.a" ("enemy killed in action"). "Nous l’avons eu", lâche le président américain après quelques secondes de silence.
Victime d’une balle dans la tête
Aucune information ne permet encore de déterminer si Ben Laden a été tué par les commandos américains, par un membre de son entourage, comme il en avait donné la consigne, ou s’il s’est lui-même donné la mort. Il aurait été tué "par des balles américaines" alors qu'"il résistait", a affirmé un haut responsable américain de la Défense.
Seule certitude, une fois les lieux sécurisés, des spécialistes de la médecine légale embarqués au sein du commando passent à l’action : ils accumulent le maximum d’éléments pour prouver l'identité de Ben Laden ainsi que tous les documents encore intacts. Autant d’informations pouvant permettre de retrouver la trace d'autres dirigeants d'Al Qaïda mais aussi de déjouer des complots en préparation.
Une exfiltration en urgence
40 minutes après être entrés dans le bâtiment, les soldats américains se préparent à être exfiltrés. Problème : l’un des hélicoptères à des ennuis mécaniques, il ne peut redécoller. Les commandos le détruisent et s'entassent à bord d'un autre appareil avec le corps de Ben Laden.
Direction le Carl-Vinson, porte-avions américain qui mouille en mer d'Oman, le long des côtes pakistanaises. C’est là qu’Oussama Ben Laden a reçu les rites funéraires avant d’être immergé en mer, dans les heures qui ont suivi l'annonce de la mort de Ben Laden par Barack Obama. Officiellement, l’opération n’a fait aucune victime côté américain.
Personne, y compris Barack Obama, n'était sûr jusqu'à la fin de l'opération que Oussama ben Laden se trouvait dans cette cache. Lorsque Barack Obama a appris la mort d'Oussama ben Laden, il a déclaré : "nous l'avons les gars".