La zone euro a suivi avec beaucoup d'attention ce jugement très attendu mercredi à Francfort. Les juges de la Cour constitutionnelle allemande, qui devaient se prononcer sur la légalité de la première aide à la Grèce en 2010 ainsi que sur la mise en place du FESF, le fonds de secours européen, ont estimé que le gouvernement d'Angela Merkel n'avait pas violé la Constitution en promettant des centaines de milliards d'euros de l'aide à la Grèce.
La Cour n'a donc pas suivi les plaignants, un groupe d'économistes et un député du parti CSU, branche bavaroise de la CDU de la chancelière Angeka Merkel. Un tel jugement aurait provoqué un chaos incommensurable dans une zone euro sous haute tension, où les parlements italien, français et espagnols débattent de plans de rigueur, alors que les finances grecques n'en finissent plus de déraper.
Le Parlement allemand devra être davantage impliqué
Plus que la validité du premier plan d'aide, la Cour a surtout fixé les règles du jeu pour l'avenir. Les juges ont exigé que le Parlement allemand soit davantage impliqué à l'avenir dans les mécanismes d'aide européens. Ils exigent ainsi que le gouvernement obtienne un "feu vert préalable" de la commission budgétaire du Bundestag, la chambre basse du Parlement, avant de prendre un quelconque engagement. De quoi ralentir un peu plus, dans le futur, la réaction de l'Europe à la crise.
Pas question par ailleurs pour Berlin de ratifier des accords prévoyant une "communauté de dettes (...) surtout si elle est liée à des conséquences difficilement prévisibles", ont prévenu les juges suprêmes, de quoi donner des arguments aux opposants à la création d'obligations européennes communes ou "eurobonds".
Merkel et les députés
Pour Angela Merkel, cette décision "a absolument confirmé" le chemin suivi par l'Allemagne. Mais le renforcement du rôle du Parlement risque de lui causer des problèmes : l'ambiance est déjà très tendue entre la chancelière et les députés. Au sein de sa majorité, 25 députés de droite envisagent même de ne pas voter le second plan d'aide le 29 septembre, ce qui mettrait la chancelière dans une position très délicate.
L'opposition a toutefois promis d'apporter son soutien, mais cela serait une humiliation en matière de politique intérieure pour la chancelière conservatrice.
Euro-sceptiques allemands
Pour les euro-sceptiques allemands, la zone euro prend le chemin "d'une Union soviétique light", où l'on "jouerait au football sans carton rouge", image l'un d'eux.
Ils estiment que l'aide à la Grèce et le FESF violent la Loi fondamentale, la Constitution allemande, sur plusieurs points. Selon eux, le sauvetage de pays en difficulté – comme la Grèce – porte atteinte à la protection de la propriété privée car il alimenterait l'inflation et ferait donc fondre les économies des particuliers.
D'autre part, ces euro-sceptiques convaincus, tous âgés de plus de 70 ans, estiment que ces initiatives ont été prises au mépris de la souveraineté du Parlement allemand en matière constitutionnelle.
A l'aube des années 2000, ils étaient déjà passés par Francfort pour essayer d'empêcher l'adoption par l'Allemagne de la monnaie unique. Cette fois, l'enjeu était encore plus important : précipiter une zone euro chancelante dans le chaos en condamnant les initiatives prises l'année dernière. Cela aurait privé du même coup la zone euro du principal contributeur au plan d'aide grec indispensable.