Côte d'Ivoire : une journée de violences

© MAXPPP
  • Copié
avec AFP , modifié à
Les pro-Ouattara ont essayé d'investir la télévision d'Etat. Les violences ont fait 11 victimes.

Alassane Ouattara avait fait le pari d'en appeler à la rue pour forcer Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir. Mais la marche sur la télévision d'Etat a été un échec, face à l'important dispositif policier déployé par le président contesté. Les affrontements qui ont eu lieu en marge de cette marche ont fait au moins 11 victimes. Les pro-Ouattara ont pourtant maintenu leur appel à la mobilisation au moment où la Côte d'Ivoire, en proie à une quasi-guerre civile après le putsch manqué de 2002, est une nouvelle fois au bord du précipice.

Une vingtaine de morts jeudi

Des combats à l'arme automatique et à l'arme lourde ont été observés jeudi, à Abidjan et à Yamoussoukro, en marge des rassemblements pro-Ouattara pour demander le départ de Laurent Gbagbo. Au moins onze personnes ont été tuées et une trentaine blessées, selon un bilan provisoire qui pourrait encore s'alourdir dans les heures à venir.

Dans le camp d'Alassane Ouattara, on affirme que les affrontements ont fait "une trentaine de morts et 110 blessés". Tandis que du côté du président sortant, Laurent Gbagbo, on parle d'au moins vingt morts - dix manifestants et dix membres des forces de sécurité. Amnesty International parlait quant à elle d'au moins neuf morts parmi les manifestants et 80 blessés pour la Croix-Rouge.

La RTI, objectif loupé

Les tensions se cristallisent entre les forces de l'ordre, fidèles au président sortant Laurent Gbagbo, et les partisans d'Alassane Ouattara, donné gagnant de l'élection présidentielle. Quelque 800 Casques Bleus et huit blindés de transport de troupes se sont postés jeudi autour de l'hôtel du Golf d'Abidjan où se trouvent Alassane Ouattara et son gouvernement, a indiqué un porte-parole de l'ONU. Ils y ont apporté de l'eau et des carburants en cas d'hostilités.

En fin de matinée, de vifs échanges de tirs ont eu lieu à proximité de l'hôtel entre combattants des Forces Nouvelles (FN) et les Forces de défense et de sécurité (FDS), fidèles à Gbagbo. "Ils ont tiré à l'arme lourde, avec des mitrailleuses vissées sur des pick-up, directement sur les populations civiles", a raconté sur Europe 1 Meïté Saindou, le porte-parole du Premier ministre pro-Ouattara, Guillaume Soro. Selon lui, le gouvernement, qui tentait de sortir de l'hôtel, "a essuyé des tirs d'obus".

Dans la journée, les partisans d'Alassane Ouattara avaient en effet décidé de marcher en direction de la télévision d'Etat ivoirienne, la RTI. Un objectif très stratégique puisque la RTI est, depuis l'éclatement de la crise née de la présidentielle du 28 novembre, tout entière dédiée à la défense du régime de Laurent Gbabgo. Ils avaient cependant échoué à prendre le bâtiment, dispersés par les fidèles de Gbagbo.

L'ambassade américaine touchée

A Washington, le département d'Etat a annoncé qu'une roquette avait touché l'enceinte extérieure de l'ambassade des Etats-Unis à proximité de la zone de combat, sans faire de victimes.

Vendredi, les partisans d'Alassane Ouattara comptent cette fois prendre possession de la résidence officielle du Premier ministre, la "Primature", occupée par le Premier ministre du camp adverse, Aké N'Gbo. Ces bureaux sont voisins du palais présidentiel où siège Laurent Gbagbo, tandis que le camp Ouattara est retranché dans un grand hôtel.

Paris appelle "à la retenue"

La communauté internationale a multiplié les appels au calme au cours des dernières heures. Le chef de l'ONU Ban Ki-moon a dit redouter un "retour à la guerre civile" dans ce pays coupé en un sud aux mains du camp Gbagbo et un nord Forces Nouvelles depuis le putsch manqué de 2002. Le Conseil de sécurité a mis en garde jeudi les auteurs d'attaques contre des civils en Côte d'Ivoire, soulignant qu'ils seront tenus responsables de leurs actes et "traduits en justice".

"Nous appelons à la retenue de part et d'autre", a aussi déclaré Michèle Alliot-Marie jeudi matin sur LCI. "Je crois effectivement qu'il faut éviter toute violence. La Côte d'Ivoire n'a pas besoin de ça", a conclu la ministre des Affaires étrangères. Le gouvernement français a par ailleurs de nouveau exclu toute "ingérence dans la politique intérieure ivoirienne". "La position française se cale à 100% sur la position internationale", a indiqué le ministre de la Coopération Henri de Raincourt sur TV5 Monde.

Les Etats-Unis ont montré moins de retenue. Laurent Gbagbo dispose d'un "laps de temps limité" pour céder le pouvoir et il en est conscient, a affirmé jeudi un haut responsable américain.

Des sanctions contre 18 ou 19 personnes

L'Union européenne prépare une liste de 18 ou 19 noms, essentiellement des proches du dirigeant ivoirien Laurent Gbagbo, qui seront l'objet de sanctions comme un gel d'avoirs et des restrictions de visas, a-t-on par ailleurs appris jeudi. Le placement ou non du dirigeant ivoirien lui-même sur la liste faisait encore débat. "Les Français envisagent de ne pas le placer sur la liste pour lui laisser une porte de sortie. Les Allemands plaident le contraire, comme les Britanniques", a affirmé un diplomate.