Cinq ans après être entrée dans l'Histoire en devenant la première présidente élue d'Afrique, Ellen Johnson Sirleaf se distingue à nouveau. A 72 ans, la présidente du Liberia a reçu vendredi, avec sa compatriote libérienne Leymah Gbowee et la Yémenite Tawakkol Karman, le prix Nobel de la Paix. Une distinction qui récompense ses efforts pour reconstruire un pays décimé par une décennie de guerre civile.
La "Dame de fer" de l'Afrique
Lorsqu' Ellen Johnson Sirleaf arrive au pouvoir en 2006, le Liberia est un pays meurtri qui sort de 14 ans de guerre civile et l'un des pays les plus misérables au monde, avec 85% de chômeurs, une criminalité exponentielle, et une mortalité des enfants galopante.
Après des années d'exil et deux séjours en prison, Ellen Johnson Sirleaf frappe alors un grand coup, licencie tout le personnel corrompu du ministère des finances et se paye le luxe de le leur annoncer personnellement, ce qui lui vaut le surnom de "Dame de fer".
Lorsqu'elle prend les rênes du pays, Ellen Johnson Sirleaf apporte aussi au Liberia sa connaissance des institutions internationales. Économiste formée à Harvard aux Etats-Unis, passée par l'ONU et la Banque mondiale, elle connaît les grands de ce monde, notamment Hillary Clinton. Elle utilise donc ses connexions pour obtenir des prêts pour son pays.
Un Nobel qui tombe à pic
En lui décernant ce prix, le comité Nobel a donc fait un geste fort envers l'Afrique, insistant notamment sur le rôle qu'y jouent les femmes. Mais c'est aussi un moyen de la soutenir dans sa nouvelle campagne électorale, car cette mère de quatre enfants et grand-mère de huit petits-enfants brigue un nouveau mandat présidentiel mardi prochain.
Un coup de pouce qui agace ses adversaires alors que la présidente sortante est très fragilisée dans son pays. "Madame Sirleaf ne mérite pas un prix Nobel de la Paix, parce qu'elle a commis de la violence dans ce pays. Ce prix est inacceptable et non mérité", a ainsi affirmé l'opposant Winston Tubman, dirigeant du Congrès pour le changement démocratique.
Certes, cinq ans après son élection, Ellen Johnson Sirleaf a réussi en partie à attirer les investisseurs pour remettre en route les infrastructures, et a évité une crise alimentaire majeure. Mais celle qui a fait de la lutte contre la corruption le coeur de son action politique est accusée dans son pays de ne pas avoir tenu ses promesses en matière économique et sociale - le chômage touche 80% de la population - et surtout, de ne pas s'être suffisamment impliquée en faveur de la réconciliation nationale.
L'actuelle présidente du Liberia a notamment ignoré un rapport de la Commission Vérité et Réconciliation datant de 2009 qui la cite comme l'une des personnes ne devant pas occuper de postes officiels pendant 30 ans pour avoir soutenu l'ancien chef de guerre Charles Taylor, président de 1997 à 2003.