IMPENSABLE. Cela semble inconcevable, vu de France. Les députés belges ont prévu de légiférer jeudi pour autoriser l’euthanasie pour les mineurs, près de dix ans après sa dépénalisation pour les adultes. Bien avant leur voisin belge, les Pays-Bas ont ouvert la voie sur cette question sensible, dès 2002, en ouvrant la possibilité aux adolescents malades de demander à mourir. Une décennie plus tard, l'expérience est riche d'enseignements.
Les garde-fous. Précurseurs sur la question de la fin de vie, les Pays-Bas ont posé des conditions strictes à l’euthanasie des mineurs lors de l’entrée en vigueur de la loi. Hors de question, tout d’abord, de parler d’euthanasie à un enfant en fin de vie. Il doit de lui-même demander à mourir, de façon répétée. Et seuls les enfants atteints d’une maladie incurable et arrivés à la fin de leur vie peuvent demander cette aide. Il n’a jamais été envisagé de mettre fin aux jours d’un enfant certes très malade, mais qui aurait encore plusieurs mois, plusieurs années devant lui.
L’âge entre également en compte. Les Pays-Bas -contrairement à la Belgique- imposent un seuil minimal. Seuls les adolescents de douze ans ou plus peuvent demander une euthanasie. Entre 12 et 16 ans, l’adolescent doit avoir l’accord de ses parents. Au-delà, ils doivent être associés à la décision, même s’ils ne l’approuvent pas.
Un débat dépassionné. Aux Pays-Bas, depuis le vote de la loi, il n’est que rarement question de la fin de vie des mineurs dans l’actualité. La question de l’euthanasie s’est posée dès les années 70 dans ce pays. Les discussions ont impliqué théologiens, chercheurs, médecins, juges, associations, législateur et société civile pendant près de trois décennies avant que les députés ne votent. Le temps de dépassionner le débat. Même s’il y a bien sûr eu l’opposition du parti chrétien fondamentaliste et d’importantes manifestations en 2001.
"Le débat a été serein [aux Pays-Bas]", confirme Jacqueline Herremans, présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité belge, contactée par Europe1.fr. Sans doute parce que le terrain avait été défriché. "Les Pays-Bas avaient déjà donné aux mineurs la possibilité de prendre une décision médicale" en 1994, explique Jacqueline Herremans. Les adolescents néerlandais de plus de 12 ans pouvaient depuis plusieurs années choisir ou non d’avoir recours à un traitement, rappelle Libération.
Aux Pays-Bas comme en Belgique, Jacqueline Herremans constate "une plus grande liberté [qu’en France]. Celle d’ouvrir toutes les portes, y compris contre l’euthanasie, dans le contexte d’un débat posé." Pour preuve, c’est le Conseil d’Etat néerlandais qui avait demandé que la question de l’euthanasie des mineurs soit intégrée dans la loi de 2002. Il estimait qu’il n’y avait pas de raisons justifiant que les adolescents figurent dans la loi sur les soins palliatifs et non dans celle sur l’euthanasie.
Stabilité. L’exemple des Pays-Bas est donc regardé de près, en Belgique. En dix ans, le nombre d’adultes euthanasiés y est resté stable, montrait le journal néerlandais De Volkskrant. Et officiellement, depuis 2002, seuls cinq mineurs ont demandé une aide à la fin de vie, selon les chiffres de la Commission d’examen de l’euthanasie, rapportés par la RTBF. Un chiffre qui semble cependant sous-estimé, estime Jacqueline Herremans. En Belgique, une dizaine de mineurs par an pourraient être concernés par l'euthanasie.
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