"Je vois la Terre ! On peut tout voir !" Une petite phrase pour l'homme, un grand pas pour l'humanité, pourrait-on dire. Huit ans avant le premier pas sur la Lune de Neil Armstrong, Youri Gagarine est le premier homme à voyager dans l'espace, ce 12 avril 1961. Europe1.fr revient sur ce jour où le cosmonaute russe est entré dans l'histoire.
Gagarine, le candidat idéal
A bord du vaisseau Vostok 1, le major Youri Gagarine, un jeune pilote de l'armée de l'air soviétique. Sélectionné parmi 20 autres pilotes, sa petite taille, sa mémoire, son caractère affable et surtout ses origines sociales modestes en font le candidat idéal pour les autorités soviétiques.
Quelques minutes avant le décollage, Gagarine plaisante avec Sergueï Korolev, le père de l'astronautique soviétique. "Dans ton paquetage, tu as ton déjeuner, ton dîner et ton petit-déjeuner", rappelle Korolev à son protégé. "Tu as du saucisson, des dragées et de la confiture pour le thé. 63 morceaux. Tu vas devenir gros", poursuit-il. "Dès que tu atterris, il faut que tu manges tout", insiste Korolev. "Surtout le saucisson pour aller avec l'eau-de-vie!", répond Youri Gagarine. "Fichtre ! Tout est enregistré, canaille !", plaisante en retour Korolev.
"Poyekhali !"
A 6h07, le vaisseau Vostok 1 décolle du cosmodrome de Baïkonour. Juste après l'allumage des moteurs, Gagarine lance depuis la capsule son désormais célèbre : "Poyekhali !" ["Et c'est parti !"] Pendant 1 heure et 48 minutes, Gagarine va survoler la Terre à une altitude de 250 kilomètres, en moyenne. Un vol qui se déroule sans encombre, comme le répète régulièrement le cosmonaute aux techniciens du cosmodrome.
"Je me sens bien, tout fonctionne bien" :
Retour mouvementé
Après une révolution autour du globe sans encombre, le vaisseau connaît quelques soucis techniques au moment de sa rentrée dans l'atmosphère. Arrivé à 7 kilomètres du sol, Gagarine s'éjecte, comme prévu, de Vostok et atterrit en parachute vers 10h55. Mais à l'époque, les Soviétiques préfèrent faire croire que leur cosmonaute est revenu dans sa capsule.
Youri Gagarine devient un véritable héros en URSS. Il est accueilli avec tous les honneurs. Le cosmonaute attendra plusieurs années une autre mission spatiale. En vain. Gagarine se tuera dans un accident d’avion en mars 1968, sans avoir revu la Terre de haut.
Regardez ces images d'époque :
La mission spatiale Vostok 1 fut une énorme réussite pour l'URSS qui battait ainsi à plate couture les Américains dans la course à l'espace. Après le lancement de Spoutnik en 1957, les Etats-Unis étaient à nouveau battus par leurs ennemis. Au cours d'une conférence de presse, le président américain John F. Kennedy était contraint de reconnaître la suprématie des Soviétiques. "En tant que participant à la course (spatiale, ndlr), nous avons la plus grande admiration pour la Russie. [...] J'ai déjà envoyé mes félicitations à M. Krouchtchev et à l'homme qui était impliqué", répondait-il à des journalistes.
"Ce n'est pas un signe de l'affaiblissement du monde libre" :
Des incidents passés sous silence
Quelques années plus tard, on apprenait cependant que le vol de Vostok 1 avait été émaillé de plusieurs incidents techniques. "Au cours du vol de Gagarine, 11 situations critiques ou anormales avec des degrés de difficultés différents ont été constatées", a déclaré en début de semaine Boris Tchertok, ancien adjoint de Sergueï Korolev, alors que des documents viennent d’être déclassifiés secret défense.
Avant le vol, les techniciens avaient découvert d'abord que la combinaison du cosmonaute pèse 14 kg de trop. Pour l'alléger, ils décidèrent de couper des câbles, mais sectionnèrent par erreur ceux chargés de mesurer la pression et la température. Un expert a par ailleurs relevé que le vaisseau n'avait pas été placé sur la bonne orbite. Une erreur qui, en cas de panne des moteurs, aurait pu faire durer le retour sur Terre un mois alors que Gagarine n'avait de vivres que pour une semaine. Enfin, Gagarine s'est posé à 600 km de l'endroit prévu par les techniciens. Une erreur finale qui n’a heureusement pas coûté son exploit au cosmonaute.