La crise syrienne est-elle en train de s'exporter chez son voisin libanais ? Depuis samedi, la situation s'envenime à Tripoli, ville située à l'extrême nord du pays, entre Libanais favorables au régime syrien et ceux hostiles au clan du président Bachar el-Assad.
Selon le bilan d'un des responsables des services de sécurité libanais, "un Sunnite et un Alaouite" ont été tués samedi lors de violences entre des habitants du quartier de Jabal Mohsen (alaouite) et d'autres de Bab el-Tebbaneh (sunnite). Samedi en fin d'après-midi, une adolescente de 17 ans a également succombé à ses blessures.
"Ils se sentent solidaires"
Tripoli, ville majoritairement sunnite, a été le théâtre ces dernières années d'affrontements entre sunnites, qui soutiennent l'opposition libanaise hostile au président syrien Bachar al-Assad, et alaouites fidèles au mouvement chiite libanais Hezbollah, un allié des régimes de Téhéran et de Damas. La tension s'est exacerbée au mois de mars dernier et le début de la contestation populaire réprimée dans le sang par le clan Assad. Au mois de juin, six personnes ont été tuées dans des heurts à Tripoli, après des manifestations hostiles au pouvoir syrien.
"Le conflit en Syrie est de plus en plus communautariste et cela se projette à Tripoli au Liban, explique Karim Emile Bitar, spécialiste du Proche Orient et directeur de recherches à l'Iris (Institut des relations internationales et stratégiques), joint par Europe1.fr. Les sunnites libanais, qui sont abreuvés d'images en provenance de Syrie, se sentent de plus en plus solidaires de la rébellion syrienne. Il y a un émoi de la brutalité du régime. Même les alliés traditionnels de la Syrie, comme le Hezbollah, sont de plus en plus réticents à soutenir le clan al-Assad", ajoute-t-il.
"On est au bord du précipice"
Le conflit en Syrie fait craindre un débordement de la crise au Liban, pays multiconfessionnel, à majorité sunnite (entre 80 et 90%) miné par les dissensions religieuses et qui a déjà connu une guerre civile dévastatrice de 1975 à 1990. "Depuis vendredi, les roquettes pleuvent sur nous. Ils (nous) provoquent tout le temps en montrant des photos de Bachar al-Assad", témoigne un habitant sunnite.
Les craintes d'un embrasement de la région sont réelles. "Pour l'instant, le conflit est encore circonscrit", analyse Karim Emile Bitar. Mais si le cocktail communautaire venait à s'étendre et que le conflit syrien virait à la guerre civile, le Liban ne serait pas immunisé. On est au bord du précipice", renchérit ce spécialiste.
Une frontière poreuse
Afin d'éviter l'extension du conflit au Liban, le gouvernement a appelé au calme, dimanche. De passage à Paris, le premier ministre libanais, Lajib Mikati a défendu la neutralité de son pays dans ce dossier. Ce sunnite, à la tête de l'exécutif libanais depuis le mois de juin 2011, revendique son indépendance en dépit de sa proximité avec le régime de Damas et de ses affinités avec le Hezbollah.
"Le Liban appliquera scrupuleusement les décisions de l’ONU, des États-Unis et de l’Union européenne" :
Ce week-end, l'armée libanaise a renforcé sa présence à Wadi Khaled, région frontalière de la Syrie et proche de la province rebelle de Homs. La région, séparée de la Syrie par des monticules de terre, est généralement un lieu de passage pour la contrebande de marchandise du Liban vers la Syrie et notamment le trafic d'armes. "La frontière entre le Liban et la Syrie n’est pas bien définie, reconnaît le Premier ministre lors de cette interview à France 24. Mais j’estime que les trafics d’armes se font pour des raisons lucratives et ne sont en aucun cas motivés par des convictions politiques ou même instigués par des politiques".