Au terme de quatre mois d’une crise larvée devenue militaire, Laurent Gbagbo a finalement dû laisser la place à Alassane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire. Mais il fallu le déloger de sa résidence par la force pour mettre un terme au long bras de fer qu’il avait engagé, le président sortant ayant joué la montre jusqu’au dernier instant.
Un scrutin dans un climat tendu
2 décembre 2010. La Commission électorale a tranché : avec 46% des voix, Laurent Gabgbo n’est plus président. Un résultat tardif après cinq jours d’attente pour dépouiller les votes, et pour cause : dès le 28 novembre, jour du second tour, chaque camp accuse l’autre de fraude.
Laurent Gbagbo conteste immédiatement cette annonce et invoque un point de droit : ce n’est pas à la Commission électorale mais au Conseil constitutionnel de désigner le nouveau président. Le lendemain, il est proclamé vainqueur avec 51,45% des voix.
Gbagbo, président comme si de rien n’était
La Côte d’ivoire se retrouve donc dès le 3 décembre avec deux présidents, les deux “vainqueurs“ allant jusqu’à organiser leur cérémonie d’investiture le même jour. Chaque président a des atouts : Laurent Gbagbo est en place et dispose de l’appareil d’Etat, tandis qu’Alassane Ouattara est reconnu par l’ensemble de la communauté internationale.
Face à cette pression diplomatique concertée, Laurent Gbagbo doit passer à l’offensive : son adversaire revendiquant de manière plus appuyée le pouvoir, il réprime les manifestations et décrète mi-décembre un blocus sur l’hôtel du Golfe où réside Alassane Ouattara.
L’Afrique invitée à la table du "boulanger"
Le surnom de “Boulanger“, dont a été affublé Laurent Gbagbo pour sa capacité à rouler dans la farine les Ivoiriens, refait surface : il déplace le conflit électoral sur le terrain symbolique et en fait un combat pour l’indépendance du pays contre les ingérences étrangères, et notamment “post-coloniales“.
Parallèlement, il joue la montre jusqu’en mars en usant d’une méthode rôdée : il accepte le dialogue mais ne lâche pas un centimètre de pouvoir. Les émissaires africains se succèdent pour le convaincre de délaisser le pouvoir, en vain : les négociations s’éternisent et tournent au palabre.
Assiégé, Gbagbo n’abdique pas
Après trois mois d’une stratégie de pourrissement, les Ivoiriens de chaque camp s’impatientent et commencent à descendre dans la rue, quand ils ne prennent pas les armes. Une tension qui va croissante jusqu’au 28 mars : les pro-Ouattara et la rébellion du nord lancent une offensive militaire et atteignent Abidjan le 31 mars.
Un assaut qui ne rend pas Laurent Gbagbo fébrile, lui qui a connu les geôles du temps d'Houphouët-Boigny, le père de la république ivoirienne : il se calfeutre dans sa résidence présidentielle et n’en est délogé qu’au terme de 11 jours de combats urbains.
Mais sa communication est maîtrisée jusqu’au bout : à peine arrêté, ses partisans affirment que l’assaut a été mené par les forces française, un moyen de continuer à contester la légitimité d’Alassane Ouattara.