Il a quitté le pouvoir comme il y avait accédé. Arrivé au pouvoir en 2002 à la faveur d'un coup d'Etat, le président malien Amadou Toumani Touré, a été renversé jeudi par des soldats mutins. Le gouvernement et toutes les institutions de ce pays situé au coeur du Sahel ont été dissoutes. Un couvre-feu a été décrété, les frontières fermées. Que réclament les putschistes ? Qu'est-il advenu du président déposé ? Europe1.fr fait le point.
Que s'est-il passé jeudi ? Tout a commencé mercredi après-midi. La mutinerie est partie de la ville garnison de Kita, à 15 km de Bamako. Elle a gagné Koulouba, près de la capitale où se trouve la présidence, ensuite la capitale et Gao dans le nord-est, qui abrite un commandement anti-rébellion de l'armée.
Dans les combats avec la garde présidentielle près de Koulouba, un mutin a été tué mercredi, selon une source militaire. Amnesty International a, elle, recensé trois personnes tuées par balles. En deux jours, environ 40 blessés, dont "trois à quatre civils", la plupart touchés par des balles perdues, ont été hospitalisés à Bamako et Kati, selon la Croix-Rouge malienne.
Que réclament les putschistes ? Les mutins sont regroupés au sein d'un Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat. Présidé par le capitaine Amadou Sanogo, il accuse le gouvernement d'impuissance face à l'offensive de la rébellion touarègue et aux groupes islamistes armés incluant Al-Qaïda au Maghreb islamique. Lors d'un discours à la télévision, ils ont expliqué qu'ils avaient "décidé de prendre leurs responsabilités en mettant fin au régime incompétent et désavoué de M. Amadou Toumani Touré".
Leur porte-parole, le lieutenant Amadou Konaré a promis de rendre le pouvoir aux civils et de mettre en place un gouvernement d’union nationale.
Quelle est la situation sur place ? L'aéroport de Bamako a été bouclé par des policiers, les frontières fermées "jusqu'à nouvel ordre" et le couvre feu instauré. Les fonctionnaires devraient reprendre le travail mardi 27 mars. Plusieurs personnes ont été arrêtées, dont des membres du gouvernement d'Amadou Toumani Touré et des chefs militaires loyalistes à Gao.
Où est Amadou Toumani Touré ? La plus grande incertitude entoure sa localisation depuis le coup d'Etat. "Le président est bien à Bamako, dans un camp militaire d'où il dirige le commandement", a affirmé à l'AFP une source militaire loyaliste, ce qu'a confirmé un membre de l'entourage de M. Touré, précisant qu'il était avec des membres de la garde présidentielle. Tous ont rejeté des rumeurs le donnant réfugié dans une ambassade étrangère ou en route pour un pays voisin.
La chaîne britannique BBC a précisé de son côté qu’il serait au camp des Commandos Parachutistes de Djikoroni Para, dans le centre-ville de Bamako. Une information démentie par une source au sein du camp.
Cet ancien militaire de 63 ans, élu en 2002 et réélu en 2007, surnommé "ATT" devait quitter le pouvoir prochainement. Il ne devait en effet pas brigué de troisième mandat à l'occasion de l'élection présidentielle prévue le 29 avril. "Apparemment, une partie de la société malienne n'est pas complètement hostile au coup d’État", affirme sur le site de France 24, Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Selon le chercheur, le président "ATT" était devenu la cible de nombreuses critiques.
Comment a réagi la communauté internationale ? L'annonce du coup d'Etat a suscité à l'étranger une vague de condamnations, ouvrant la voie à des sanctions contre le Mali. A New York, les pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont appelé au "rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel et du gouvernement démocratiquement élu". La France a décidé de suspendre "toutes ses coopérations régaliennes avec le Mali", demandé le respect de l'intégrité physique du président Touré et la libération des personnes détenues.
"Nous avons condamné ce coup d'état militaire, nous sommes pour le respect des règles démocratiques et constitutionnelles, nous demandons le rétablissement de l'ordre constitutionnel, des élections qui étaient programmées pour le mois d'avril, il faut qu'elles aient lieu le plus vite possible pour que les Maliens puissent s'exprimer", a expliqué mercredi le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé sur Europe 1.
Le Quai d'Orsay recommande également aux Français de reporter leur séjour au Mali et déconseille aux ressortissants de se déplacer à l'intérieur du pays jusqu'à nouvel ordre.
L'Union africaine regrette "un sérieux recul pour le Mali et pour les processus démocratiques" en Afrique, et le Nigeria "un revers" pour la démocratie en Afrique. L’Organisation de la conférence islamique s'est dite "profondément choquée" et le Maroc a réitéré "son attachement à la stabilité, à l'unité et à l'intégrité territoriale" du pays.
Les Etats-Unis ont demandé "le retour immédiat de l'ordre constitutionnel au Mali", et ont entamé le réexamen de leur aide annuelle de près de 103,5 millions d'euros. La Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) ont annoncé qu'elles suspendaient leur aide.