En quelques jours, le manoir dans lequel Oussama Ben Laden a été abattu est passé du statut de bâtisse anonyme à celui d’attraction mondiale. Une situation gênante pour les autorités pakistanaises, qui étudient la possibilité de détruire le bâtiment pour éviter qu’il ne devienne un lieu de pèlerinage. Depuis mercredi, des rumeurs disent l'armée pakistanaise prête à raser la maison, comme elle le fait parfois avec celles des talibans des zones tribales du nord-ouest, alliés à Al-Qaïda. "C'est une des possibilités étudiées", admet un policier local, Ghulam Abbas.
C’est dans la même perspective que les autorités américaines avaient décidé d’immerger le corps de feu le leader d’Al-Qaïda, plutôt que de lui offrir une sépulture qui serait devenue un mausolée islamiste.
"Il y a de plus en plus de monde"
Depuis l’annonce de la mort d’Oussama ben Laden, lundi matin, le petit village d’Abbotabad, dans le Nord du pays, est inhabituellement animé. Malgré les efforts de la police locale pour écarter les curieux des environs de la maison du terroriste abattu, ils étaient plus de 500, mercredi en fin de journée, à se rassembler autour des hauts murs de béton entourant la bâtisse. Sans compter les dizaines de journalistes locaux et internationaux qui attendent toujours de pouvoir passer le portail, pour l'heure toujours sous scellés. Tous arrivent de la ville ou des environs, en empruntant la même route à travers les champs de légumes qui font face au bâtiment.
"Il y a de plus en plus de monde", remarque le policier Mohammad Saleem, en admettant n'avoir "aucun moyen de savoir qui est un partisan d'Al-Qaïda et qui ne l'est pas". Autour de lui, la foule des curieux s'ébroue dans une atmosphère bon enfant. Les plus jeunes s'en donnent à coeur joie : à chaque fois qu'un homme à longue barbe passe devant eux, ils l'apostrophent : "Alors, quoi de neuf, Oussama ?"
"Zone très militarisée"
Des jeunes femmes de cette cité prospère et assez libérale y défilent, finement maquillées et drapées dans des tuniques et châles aux couleurs vives, comme Khala, une professeure de 24 ans, en gris et violet. "Tout le monde va vouloir venir", dit-elle, "mais l'armée ne permettra pas que cela devienne un symbole ou un lieu de pèlerinage à la gloire d'Al-Qaïda". "Les partisans d'Al-Qaïda savent que la zone est très militarisée et que ni l'armée ni les habitants du quartier ne les laisseront s'installer ici", abonde le chef de l'administration du district, Zaheer ul-Islam.
Pour convoitée qu’elle soit, la bâtisse ne doit pourtant guère plus receler de trésors : déjà peu luxueuse au départ, elle a été ratissée trois fois depuis dimanche, par l'armée américaine, l'armée pakistanaise, et enfin par la police locale.