Il est l'un des "idéologues" des Femen… mais n'est pas pour autant tendre avec elles. La tête pensante du mouvement féministe estime en effet que les membres des Femen "sont faibles" et n'ont pas de force de caractère. C'est ce que révèle "l'Ukraine n'est pas un bordel", le film de la réalisatrice australienne Kitty Green, présenté mercredi à Venise. Le documentaire dévoile les coulisses du mouvement Femen et le rôle méconnu joué par l'homme derrière le mouvement des féministes aux seins nus.
Décrit comme un "ami" par les Femen. Car l'un des paradoxes de ce mouvement, en guerre "contre le patriarcat et la mainmise des hommes sur les femmes", c'est bien le profil de Victor Svyatski, qui a fondé les Femen, à Kiev, en 2008. Peu médiatisé, ce quadragénaire, généralement décrit comme un ami, avait été cité dans un article du Monde datant de février 2012. Cet article se concentrait toutefois sur Anna Hutsol, jeune femme présentée comme la tête pensante du groupe et vis à vis de qui Victor Svyatski tenait des propos plutôt élogieux. "Elle a révolutionné tous les stéréotypes de la publicité. Avec des moyens limités, elle a fait de Femen le mouvement d'activistes le plus célèbre d'Ukraine. Ces filles sont comme la Marianne de Delacroix", confiait-t-il à l'époque.
"Les plus jolies filles vendent plus". Mais depuis, son avis sur les Femen a quelque peu changé. La réalisatrice Kitty Green révèle notamment que, selon Victor Svyatski, les femmes qui composent le mouvement se démarquent davantage par un physique que par leur intelligence. "C'est son mouvement et il a choisi personnellement les filles. Il a choisi les plus jolies filles parce que les plus jolies filles vendent plus de papier. Les plus jolies filles sont en première page... c'est devenu leur image, la façon dont elles vendent leur marque", remarque la réalisatrice dans The Independant.
"Il les traitait de salopes". Et la jeune femme parle en connaissance de cause. Après avoir passé un an à vivre avec les Femen, elle a eu le privilège de le rencontrer - alors qu'au départ il ne voulait pas figurer dans le documentaire. "Une fois que j'étais dans le premier cercle, il m'était impossible de ne pas le connaître. Il est les Femen", insiste-t-elle.
A travers les conversations, les commentaires des jeunes femmes filmées au quotidien, Victor apparaît dans le documentaire comme un homme très égocentrique, à la recherche du pouvoir, mélange de gourou et de pater familias de substitution. S'il est effectivement un des piliers du mouvement, il les juge pourtant avec sévérité. "Il était assez horrible avec les filles. Il leur criait dessus et les traitait de salopes", confie la réalisatrice.
"Elles n'ont pas un caractère fort". Une posture qu'il assume dans le documentaire de Kitty Green. "Ces filles sont faibles. Elles n'ont pas un caractère fort. Elles n'ont même pas le désir d'être fortes. Elles se montrent soumises, molles, pas ponctuelles, et plein d'autres facteurs qui les empêchent de devenir des activistes politiques. Ce sont des qualités qu'il est essentiel de leur apprendre", témoigne-t-il dans le film. Selon le quotidien italien La Repubblica, il affirme également que "les hommes font tout pour le sexe : j'ai créé le groupe pour avoir des femmes. J'espère que grâce à mon comportement patriarcal, elles refuseront le système que je représente".
A l'origine de dissensions dans le groupe. Du côté des Femen, ces déclarations suscitent des dissensions au sein du groupe. L'une d'entre elles, Inna Chevtchenko, présente à Venise avec cinq de ses amies a expliqué dans une interview que Victor avait quitté le mouvement qui s'est lui-même divisé et que nombre d'entre elles avaient choisi de se soustraire à "l'emprise" de cet homme. Le film s'achève d'ailleurs sur ces dissensions.