Le symbole est très fort : à Dublin, samedi, la grande manifestation contre le plan d’austérité s'est terminée devant la GPO, la Poste centrale, là où fût proclamée la République d’Irlande en 1916. Signe que la situation est grave.
"Vous ne pouvez pas vous permettre de ne pas protester", tel était le slogan choisi par les syndicats pour pousser les Irlandais dans la rues.
Environ 50.000 personnes, selon la police, ont défilé durant l'après-midi dans les rues de la capitale irlandaise. Il s’agissait non seulement de protester contre la politique d’austérité, qui prévoit des coupes franches dans les dépenses publiques pour atteindre 15 milliards d’économies en quatre ans. Mais aussi de contester la décision de solliciter l'aide de l'Union européenne et du FMI prise par le gouvernement irlandais. "Le FMI et l'Union européenne veulent nous faire revenir 50 ans en arrière, et renoncer à tout ce que nous avons obtenu en nous battant", s'insurge un manifestant au micro d'Europe 1. "Aujourd'hui, ce n'est que le début".
La manifestation s'est déroulée dans une atmosphère exubérante mais sans violence. Malgré la neige tombée durant la nuit, beaucoup de participants avaient gagné la capitale en car.
Une crise économique et politique
Depuis quelques jours, c’est bien le Premier ministre Brian Cowen qui est dans l’œil du viseur. Dans un éditorial intitulé "Tombé dans l'oreille d'un sourd", le journal Irish Examiner regrette qu’il n'ait pas annoncé lundi soir sa démission immédiate. Préférant laisser augurer d’une dissolution du Parlement en janvier de l’année prochaine, après le vote du budget.
Diminution des allocations chômage et familiales, baisse du salaire minimum et des rémunérations des fonctionnaires, suppression de 25.000 emplois publics : voilà les principales mesures qui alimentent la colère des Irlandais.
De "nouveaux pauvres"
"Il faut que la population montre qu'il existe une alternative, qu'elle montre ce qu'elle ressent face à un plan qui va provoquer une hausse du chômage", déjà proche de 14%, justifie Macdara Doyle, porte-parole de l'ICTU, première confédération syndicale irlandaise qui organise la manifestation. "Les travailleurs ordinaires sont contraints de payer pour des banquiers, des promoteurs et des politiciens corrompus", ajoute Eamon Doyle, numéro un du TEEU, premier syndicat dans l'ingéniérie.
Des ONG irlandaises n’hésitent plus à le dire : le plan de rigueur annoncé dans la semaine va créer de "nouveaux pauvres", des actifs qui "se situent juste au-dessus du seuil pour recevoir des aides sociales qui n'ont droit à rien, et qui paient pour tout". "On va voir une hausse gigantesque de la pauvreté en Irlande", prédit le père Sean Healy, président d’une organisation de défense des plus démunis.