On attendait son père, c'est lui qui est finalement venu s'exprimer. Saif al Islam, le fils du "Guide" libyen Mouammar Kadhafi, s'est fendu dans la nuit de dimanche à lundi d'un discours de 45 minutes à la télévision d'Etat, suite aux manifestations sanglantes du week-end en Libye. Perçu comme le meilleur prétendant à la succession de son père, Saif al Islam s'est adressé directement aux manifestants, les sommant de rentrer chez eux, sous peine de représailles.
Au cinquième jour de la révolte populaire, qui a fait des dizaines de morts, des manifestants anti-gouvernement se sont en effet encore rassemblés dans les rues de la capitale Tripoli. A Benghazi, ville de l'Est d'où est partie la révolte libyenne, une unité de l'armée a rallié les rangs de l'opposition.
La théorie du complot étranger
Le fils du colonel Kadhafi a adressé un double message de mise en garde. Selon lui, le peuple libyen doit choisir entre la construction d'une "nouvelle Libye" et une "guerre civile". Il a prévenu que l'armée maintiendrait l'ordre dans le pays à n'importe quel prix, quitte à faire couler "des rivières de sang." Selon le dernier bilan de Human Rights Watch, la répression a fait au moins 233 morts depuis le début de la révolte mardi. Saif al Islam a contesté ce chiffre. Selon lui, les bilans donnés par "les médias étrangers" sont "très exagérés". Mais il a reconnu que plusieurs villes du pays, dont Benghazi et Al-Baïda, dans l'est, étaient en proie à de violents combats et que les émeutiers s'étaient emparés d'armes militaires.
"Nous avons le moral et le dirigeant Mouammar Kadhafi mène la bataille à Tripoli et nous sommes derrière lui comme l'armée libyenne", a-t-il ainsi menacé. "Nous continuerons à nous battre jusqu'au dernier homme debout, et même jusqu'à la dernière femme debout. Nous ne laisserons pas la Libye à des Italiens ou à des Turcs", a-t-il asséné.
Saif al Islam a par ailleurs promis à ses concitoyens que l'Etat engagerait des réformes s'ils cessaient leur mouvement. Le parlement libyen, le Congrès général du Peuple, va ainsi se réunir lundi pour discuter d'un programme, a-t-il annoncé.
L'ambassadeur d'Inde démissionne
Les réactions internationales n'ont pas tardé. Ali al Essawi, l'ambassadeur de l'Inde en Libye, a ainsi décidé de démissionner pour protester contre la répression. Le diplomate accuse également le gouvernement d'avoir recours à des mercenaires étrangers.
L'Union européenne a, de son côté, appelé Mouammar Kadhafi à répondre aux attentes "légitimes" de son peuple et à cesser "immédiatement" de recourir à la violence contre des manifestants pacifiques. "Un dialogue ouvert et significatif sous direction libyenne doit répondre aux aspirations et demandes légitimes du peuple pour des réformes", a déclaré la Haute Représentante de l'UE aux Affaires étrangères, Catherine Ashton, au nom de l'Union européenne, dans un communiqué diffusé dimanche soir. "L'UE appelle les autorités à faire preuve de retenue et de calme, et à immédiatement s'abstenir de tout nouveau recours à la violence à l'encontre de manifestants pacifiques", a-t-elle ajouté.