Mali : l’ombre des islamistes

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avec Didier François et AFP
Leur progression dans le Nord, face à des putschistes impuissants, inquiète la communauté internationale

Près de deux semaines après le putsch du 22 mars, le Mali reste en proie à une grande incertitude. Le nord du pays a définitivement échappé au contrôle du pouvoir central de Bamako, et est désormais le théâtre d’une probable alliance entre les rebelles touaregs et les islamistes. Mais de son côté, la junte militaire installée au pouvoir subit de plein fouet la pression de la communauté régionale d’abord, internationale ensuite. Alors que le conseil de sécurité de l’ONU doit se pencher sur le cas malien mercredi, Europe1.fr fait le point sur la situation.

Qui contrôle le nord du pays ?

Une chose est sûre, ce n’est pas la junte militaire. Les putschistes avaient pourtant expliqué au moment de leur coup d’Etat qu’ils renversaient le président Amadou Toumani Touré en raison notamment de son inefficacité à combattre la rébellion dans le nord du pays. Or, les rebelles touaregs, appartenant notamment au Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), ont justement profité de la désorganisation de l’armée malienne régulière pendant l’insurrection pour étendre leur influence dans le Nord, et s’emparer de villes importantes comme Tombouctou.

Ces rebelles touaregs, qui plaident pour un Etat touareg à part entière, doivent désormais composer avec d’autres rebelles, islamistes ceux-là. A Tombouctou, des drapeaux noirs fleurissent sur les bâtiments de la ville. Ce sont ceux du groupe islamique armé, Ansar Ed-Dine (Les gardiens de la foi), qui ont rejoint la principale ville du nord du Mali le 2 avril, après avoir pris Kigal et Gao. Pour l’heure, les deux groupes rebelles ne s’affrontent pas, au contraire. Il semble en effet que le MNLA ait cédé aux islamistes le camp militaire Cheick Sidi Elbakaye, qui est devenu leur QG dans le centre-ville.

Les membres d’Ansar Ed-Dine sont majoritairement issus de la tribu des Ifogha, une tribu extrêmement importante du nord de Tombouctou. Cette tribu est originaire d’une région à la fois désertique et montagneuse, l’Adrar des Ifogha, là où les terroristes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont implanté leur base arrière. Ce serait même dans les grottes de ce massif que seraient détenus les six otages français enlevés dans la région. C’est dire à quel point les liens sont réels entre l’Aqmi et Ansar Ed-Dine.

Bamako est-elle menacée par les islamistes ?

"Nous n’avons pas de précision très nette sur les intentions des rebelles d’attaquer la capitale", a affirmé  Henri de Raincourt mardi soir sur Europe 1. Mais le ministre de la Coopération n’y croit pas. "Déjà, la capitale est située à 800 kilomètres des villes où ils sont installés. C’est dans le désert, c’est une grande métropole très urbanisée, avec une population très nombreuse.  Ce serait une aventure périlleuse qui pourrait avoir des répercussions. A mon avis, il faut réfléchir à deux fois", a-t-il estimé.

 

Le ministre de la Coopération, interrogé mardi par RFI, a toutefois évoqué des "mouvements" rebelles "autour de Mopti", une ville à mi-chemin entre Bamako et Tombouctou et qui marque la limite avec le nord du pays..

Où en est la junte militaire ?

Elle semble aujourd’hui totalement dépassée. Les putschistes sont soumis depuis lundi à un embargo diplomatique, économique et financier imposé par la Communauté économiques des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Mardi, c'est l'Union africaine (UA) qui a adopté à son tour des sanctions contre les membres de la junte, en coopération avec la Cédéao.

Le département d'Etat américain a de son côté prononcé mardi des restrictions de voyages vers les Etats-Unis à l'encontre des membres de la junte militaire au Mali. Les Etats-Unis ont réitéré leur appel au chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, et à ses partisans, à "rétablir sans attendre un gouvernement civil", a déclaré le département d'Etat dans un communiqué.

Pour tenter  de ramener le calme, la junte elle a annoncé la tenue à partir de jeudi d'une "convention nationale" sur l'avenir du Mali à laquelle elle a convié tous les partis politiques et la société civile. Elle a également envisagé des poursuites contre le président renversé Amadou Toumani Touré pour "haute trahison et malversation financière". Enfin, une délégation des putschistes était mardi au Nigeria pour "expliquer la situation" et, selon une source du ministère nigérian des Affaires étrangères, l'objectif des discussions serait de proposer aux putschistes "une sortie honorable" en échange d'une forme d'amnistie.

Quelle est la position de la France ?

C’est à l’initiative de la France que la situation du Mali sera examinée mercredi au Conseil de sécurité des Nations unies. La France veut mobiliser contre le "péril islamiste" au Sahel et contre Aqmi, à la fois au niveau régional et au Conseil de sécurité, a affirmé Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères, qui craint une alliance entre Touaregs et islamistes. "Certains rebelles pourraient se contenter du contrôle sur les territoires du Nord. D'autres, avec Aqmi, pourraient envisager de s'emparer de l'ensemble du territoire malien pour en faire une république islamiste", a prévenu l’ex-Premier ministre.

Quel est le bilan humain des combats ?

Aucun chiffre ne circule actuellement sur le nombre de victimes qu’auraient fait les combats. Mais selon le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) et le Programme alimentaire mondial (PAM), plus de 200.000 personnes ont déjà été contraintes de se déplacer à l'intérieur ou à l'extérieur des frontières du Mali. Un chiffre de 200.000 qui "risque (encore) d'augmenter", d'après une porte-parole du PAM. Et à Bamako, les premiers effets de l'embargo sont apparus, avec la formation de files d'attente devant des stations essence et les banques par crainte de pénurie.