L’INFO. Il est hors circuit et les autorités espèrent qu’il ne se fera pas la belle à nouveau… Le chef de la mafia italienne Roberto Pannunzi, considéré comme le plus grand trafiquant de cocaïne du monde, est arrivé sous escorte policière samedi à Rome après son arrestation la veille à Bogota, puis son expulsion par le gouvernement colombien. Son arrestation, intervenue au cours d'une opération de police commune de la Colombie avec l'Agence américaine de lutte contre la drogue (DEA), s’est déroulée dans un café d’un centre commercial du nord de Bogota.
3.000 kg par mois. Agé de 67 ans, l’Italien Roberto Pannunzi était un véritable "VRP" de la poudre blanche. Médias et spécialistes le surnommaient "le Pablo Escobar italien", du nom du célèbre trafiquant colombien, ou bien encore le "Copernic de la cocaïne" tant son influence était énorme sur ce marché très lucratif. "Il gérait l'essentiel du trafic de poudre blanche entre l'Amérique du Sud et l'Italie, expédiant 3.000 kg par mois qu'il achetait aux clans de Medellin pour moins de 1.000 euros le kilo. Le prix le plus bas qu'on puisse trouver pour la cocaïne la plus pure", affirme Nicola Gratteri, procureur adjoint de la Calabre, cité par Le Figaro.
Un million de dollars aux policiers. Selon les autorités colombiennes, l'Italien faisait l'objet de quatre mandats d'arrêt pour trafic de drogue et association criminelle avec la mafia. Mais à chaque fois, en Bolivie, en Espagne ou en Italie, Roberto Pannunzi parvenait à filer entre les mains des enquêteurs. En 2010, il s'était échappé d'une clinique de Rome où il était détenu en résidence surveillée, comme il l'avait déjà fait en 1999. Il avait auparavant été arrêté en 1994 en Colombie, où il aurait offert aux policiers un million de dollars en liquide pour le laisser partir.
La mafia sicilienne, calabraise, colombienne… Au fil des années, Roberto Pannunzi est devenu le "nœud gordien" des cartels de la drogue. Né à Rome, il est l'un des principaux acteurs de la tristement célèbre mafia "Ndrangheta" qui opère en Calabre, dans le sud de l'Italie. Et va vite devenir l'intermédiaire privilégié entre les deux rives de l’Atlantique pour le transport de poudre. Roberto Pannunzi entretient aussi des liens étroits avec les dirigeants des cartels de la drogue en Colombie et au Mexique ainsi qu'avec les parrains historiques de la Cosa Nostra en Sicile.
"Changer l’histoire". "Il a révolutionné le trafic mondial de la cocaïne, en parvenant à réaliser avec facilité des opérations financières gigantesques et à transporter d'énormes quantités de drogue, ce qu'aucun clan n'aurait pu faire individuellement", affirme Roberto Saviano, l’auteur du film Gomorra et qui vient de publier cette année une enquête sur le marché de la cocaïne. "Son arrestation pourrait changer l'histoire du trafic de drogue en Italie et sur la scène internationale", a-t-il ajouté. Certains affirment même qu’il a géré pendant un temps jusqu’à près de 80% du trafic mondial de cocaïne.
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Un vrai commercial. Il n’est pas connu pour faire "le sale boulot". Roberto Pannunzi est plutôt ce qu’on appelle un vrai commercial, note Le Figaro. "C'est le plus grand importateur de cocaïne au monde," a renchéri Nicola Gratteri, l'adjoint au procureur de la Calabre. "Il est le seul à pouvoir organiser l'achat et la vente de cargaisons de cocaïne de trois tonnes et plus", a assuré ce magistrat italien. En effet, l’homme a la confiance des plus grands cartels qui lui prêtaient de l’argent sans broncher. Lui s’occupait de tout. Avant Pannunzi, les gros bonnets devaient envoyer un homme de confiance qui était tenu pour gage jusqu’à la livraison. Avec "l’Escobar italien" rien de tout ça. "Il recueille l'argent des clans italiens, achète lui-même de grosses quantités de coca et organise les transports, affrétant bateaux et avions. Il se comporte comme un manager de multinationale, sans s'affilier à aucun clan, mais traitant avec tous", affirme Roberto Saviano.
Une fausse identité. Ce vendeur international de poudre utilisait tous les subterfuges : communications codées, changement régulier de cachette mais également d’identité. Au moment de sa capture, Roberto Pannunzi était porteur d'une fausse carte d'identité vénézuélienne au nom de Silvano Martino. Vendredi, il a tenté encore un dernier coup de poker prétextant qu’il était malade. "J’espère qu'on ne lui accordera pas la résidence surveillée une troisième fois", affirme Nicola Gratteri, ce magistrat italien, qui conclut : "c'est épuisant d'avoir à faire le tour du monde pour le retrouver chaque fois qu'il s'échappe".