L’INFO. La diplomatie serait-elle à deux vitesses ? Pendant que le G7 fait la nique à la Russie en réunissant ses ministres des Finances à Washington, sans Moscou, l’Australie prend jeudi le chemin inverse. Interrogé sur la présence de Vladimir Poutine au G20 de Brisbane en novembre 2014, un ministre australien n’a pas laissé de place au doute : "Bien sûr que la Russie y sera !", a textuellement dit ce représentant de l’Australie, hôte de la réunion.
Pas question, donc, d’organiser un G19 et de laisser l'arrivée de la Crimée sous le giron de Moscou bouleverser les relations économiques mondiales avec le géant russe. Car les Occidentaux ne sont pas les seuls en jeu dans ce dossier, et ne peuvent pas pouvoir dicter leur conduite à tous les pays du monde.
Le G8, "enfant d’une époque révolue". Créé en 1999, le G20 élargissait le groupe de plus grandes puissances économiques, réservées jusque-là au G8, à douze autres pays (Inde, Chine, Brésil, Afrique du Sud, Australie, Mexique, Argentine, Arabie Saoudite, Corée du Sud, Indonésie, Turquie et Union européenne). Ce groupe élargi consacrait l’importance des pays émergents dans l’économie mondialisée.
"La différence entre le G8 – qui n’est autre qu’un G7 + la Russie – et le G20, c’est que le G20 n’est pas un club d’Occidentaux", analyse Philippe Moreau Defarges, chercheur à l’Institut français des relations internationales et auteur de L’histoire de l'Europe pour les nuls. "C’est une enceinte beaucoup plus large et donc beaucoup plus légitime" pour impulser une ligne diplomatique.
Ouvert à d’autres pays, le G20 est aussi plus révélateur de l’économie internationale actuelle, dans laquelle les pays dits "émergents" - de fait largement émergés depuis – représentent 20% du PIB mondial. La Chine a d’ailleurs dépassé les Etats-Unis et a atteint le rang de première puissance commerciale. Le G8, lui, "est l’enfant d’une époque révolue", estime Philippe Moreau Defarges.
Un G20 qui arrange tout le monde. Ce constat doit tout de même être relativisé, puisque le club des Sept reste celui des plus grandes économies mondiales. Mais aujourd’hui, ils ne peuvent plus se passer des 13 autres membres du G20. Quitte à laisser passer ce petit affront sur leur diplomatie russe.
Par ce geste, les pays dits émergents "veulent dire aux Occidentaux ‘vous n’êtes plus les maîtres du monde’. Et en effet, ils ne sont plus tout à fait les maîtres du monde", analyse le chercheur.
L’Inde, le Brésil, la Chine et la Russie en tête veulent maintenir leur plateforme de discussions économiques, alors que les échanges ne font que s’accroître entre eux.
D’ailleurs, la réunion de Brisbane pourrait bien être une aubaine pour les Occidentaux. Les sept dirigeants pourraient bien profiter du G20 pour une entrevue particulière avec Vladimir Poutine. Un moyen de maintenir le dialogue sans perdre la face.
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