Comme aimant à réfrigérateur, en carte postale ou bien en marque-pages, le mur de Berlin continue à remplir les tiroirs-caisses des vendeurs de souvenirs à Berlin, 25 ans après sa chute. De quelques millimètres à une dizaine de centimètres de large, des morceaux se sont éparpillés dans les valises de touristes du monde entier.
Sur le trottoir, à quelques pas du musée dédié au mur, des étals peu légaux proposent des bouts d’histoire à revendre. Les vendeurs à la sauvette font concurrence aux magasins de souvenirs, installés dans la Friedrichstrasse. A 2,50 euros les deux petits morceaux dans une pochette plastique, 9,90 euros le bout enfermé dans du plexiglas, les magasins de souvenirs de Checkpoint Charlie les exposent sur leurs étals à côté des figurines d’ours –l’emblème de Berlin – et du fameux Ampelmann, le personnage des feux tricolores de l’Est. Depuis 25 ans, la source de ces gravats commercialisables ne semble jamais se tarir.
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Le business de Pawlowski. A leur origine, un homme : Volker Pawlowski. Après novembre 1989, cet ancien ouvrier du bâtiment s’est rapidement lancé dans le lucratif business de la revente de morceaux de béton est-allemands. C'est en voyant les pelleteuses s’activer qu'il a cette idée géniale, raconte Der Spiegel, le magazine allemand. "A l’époque, le mur était en train d’être détruit, et personne ne s’est intéressé de savoir ce qu’il en advenait", se souvient le chef d’entreprise qui domine ce marché.
Il se rend dans les décharges et discute d’égal à égal avec les ouvriers, leur rapporte le petit-déjeuner. Une méthode qui paye, puisque ces derniers finissent par accepter de lui donner des morceaux de murs. Peu de temps après, le Berlinois de l’Ouest quitte son job dans le bâtiment pour monter sa boîte qui détient un quasi-monopole. Son petit plus : un certificat d’authenticité – qui ne vaut que pour lui-même.
Le vrai mur ? Quand on lui demande si tous les morceaux sont des vrais, Volker Pawlowski s’amuse, toujours auprès du Spiegel : "Pourquoi voudrait-on mettre des faux en circulation ? Il y a tant de mur. Ce sera suffisant pour les cent prochaines années." 155 kilomètres de fortification de 3,60 mètres de haut, 1,20 mètre de large et près de trois tonnes par pan.
Deux médias allemands se sont penchés de plus près sur ces bibelots vendus dans les magasins et sur les étals des rues touristiques de Berlin. Le tabloïd Bild et la télévision n-tv ont fait analyser ces souvenirs par l’Institut de pétrologie de la Freie Universität Berlin. Des indices assez simples permettent de dire s’il s’agit, oui ou non, du vrai mur. La couleur du béton joue un rôle important : le mur de séparation entre Est et Ouest, à Berlin, était légèrement jaunâtre, et non bleu foncé comme peuvent l’être les faux. Les vrais se calcifient également avec le temps.
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Personne ne veut de banal béton gris. Une des principales falsications qu’a observée Ralf Milke, chercheur à l'institut berlinois pour le Bild, c’est l’ajout de peinture sur les petits bouts. Mais ça, Volker Pawlsowski, qui fournit de nombreuses boutiques, l’avoue sans problème. C’est un ami de sa fille, Natascha, qui s’en occupe : "Quand le mur était toujours debout, plusieurs couches de peintures étaient pulvérisées l’une sur l’autre. Personne ne voudrait de ces morceaux aujourd’hui, car la peinture s’effrite", se justifie le vendeur de gros qui repasse une couche de couleur sur ses souvenirs.
Le chercheur de l’université de Berlin a découvert dans certains des souvenirs fournis par les médias allemands des composés chimiques ne correspondant pas au béton utilisé pour la construction du mur. Mais le fournisseur principal dit ignorer d’où viennent ces contrefaçons de relique. Une seule certitude, le béton en sachet vendu par les vendeurs à la sauvette est bien du banal aggloméré.
Marteau et burin. Pour surfer sur la vague des commémorations qui ont débuté vendredi soir, un hôtel de luxe du quartier de Berlin-Mitte propose à ses clients de prendre
marteau et burin contre un pan, comme le montre un reportage de n-tv. Là, au moins, peu de doute. C’est bien un véritable morceau de nostalgie que les clients emportent chez eux.