Le pire a été évité. Le typhon Hagupit a touché les côtes philippines samedi, faisant pour l’instant 23 morts. Un bilan relativement limité, dans un pays qui avait été endeuillé il y a un an presque jour pour jour par le typhon Haiyan et ses 7.350 morts. Cette fois, les Philippines ont su résister aux éléments en tirant les leçons du passé.
Le 8 novembre 2013, des vents allant jusqu’à 315 km/h frappaient la région de Tacloban, dans l’est des Philippines. La ville entière avait été rayée de la carte. Un brigadier général américain dépêché sur place avait survolé Tacloban quelques jours après le typhon. "Je ne crois pas qu’il y ait un seul bâtiment qui ne soit pas détruit ou sévèrement endommagé. Chaque bâtiment, chaque maison", décrivait Paul Kennedy. Le bilan, un an plus tard, n’est toujours pas clair.
Une région fragile. Dans la région de Tacloban, la reconstruction n’est toujours pas terminée. Des milliers de Philippins vivent toujours dans des abris de fortune, qu’un simple coup de vent peut mettre à terre. Un nouveau typhon comme Haiyan aurait donc pu faire des ravages plus violents encore que les milliers d’habitations rasées, les pylônes arrachés, les routes coupées et les coulées de boue de Hagupit avec ses rafales à 200 km/h (en photo).
Les Philippines préparées. Heureusement, "les leçons de Yolanda (le nom philippin de Haiyan, ndlr.) ont été retenues et le pays a été mieux informé, mieux préparé et donc mieux protégé" contre Hagupit, décrit Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse associée à l’Institut de recherche sur l’Asie du sud-est contemporaine (Irasec). Cette fois, des millions de Philippins se sont réfugiés dans des églises, des écoles et des gymnases transformés en autant de centres d’accueil temporaires. 1.500 lieux d’hébergement ont été ouverts pour des Philippins encore choqués par leur expérience de l’année passée et donc plus à même de suivre les consignes d’évacuation.
Des ONG en renfort. A Tacloban, localité de 220.000 habitants parmi les plus touchées par Haiyan, les autorités n'ont signalé ce week-end aucune victime. "Nous avons poussé un soupir collectif de soulagement. Nous étions mieux préparés après Yolanda", a déclaré dimanche le maire adjoint Jerry Yaokasin. Sophie Boisseau du Rocher note "une meilleure coordination entre les centres météo, les autorités centrales et les autorités locales" dans la prévention au danger.
Il faut dire que les ONG, venues pour aider à la reconstruction du pays après Haiyan et dont "les équipes sur place ont contribué à la mise en place du dispositif actuel", constate la chercheuse. Des repas et des couvertures ont été distribués aux déplacés temporaires.
Un président plus réactif. La prise de conscience des autorités de Manille, la capitale de ce chapelet d’îles, a également permis de restaurer une partie de la confiance dans ce pays très corrompu. Benigno Aquino, le président des Philippines, "est un homme pragmatique qui a retenu les leçons et montre à ses concitoyens que le pays pourrait beaucoup mieux s’en sortir si l’idée de ‘bien commun’ progressait", estime Sophie Boisseau du Rocher. Depuis Haiyan, "on tente de s’organiser plus intelligemment pour mieux se protéger ; les abus de corruption, comme le détournement des fonds alloués à la reconstruction, sont plus rares", continue-t-elle. Pour autant, Benigno Aquino est un homme politique comme les autres. Même s’il "ne sait pas s’il pourra se représenter [à la prochaine présidentielle] du fait de contraintes constitutionnelles, il met le maximum de chances de son côté pour réussir". Et éviter un nouveau massacre est un argument de plus pour son maintien au pouvoir.