James Watson a tiré 4,7 millions de dollars (soit presque 3,8 millions d'euros) de son prix Nobel, mais va-t-il se racheter une estime ? Âgé de 86 ans, le scientifique qui a été récompensé par la plus prestigieuse récompense scientifique, a revendu sa médaille jeudi. Il disait avoir besoin de cet argent depuis qu’il a été expulsé de la communauté scientifique en 2007 pour des propos ouvertement racistes.
C'est la première fois qu’un récipiendaire du Nobel revend sa récompense. La médaille, estimée par la maison Christie's à 3,5 millions de dollars maximum, est finalement partie pour 4,7 millions. Le nom de l'acquéreur, qui a transmis ses enchères par téléphone, n'a pas été révélé. Avant la vente, James Watson expliquait avoir l’intention de reverser une partie aux "institutions qui m’ont aidé", s’est-il expliqué auprès du Financial Times. Il envisage également d’acheter une peinture de David Hockney, un artiste britannique. Le reste lui permettra simplement de vivre. Car ses revenus ont considérablement baissé après une interview en 2007, s’est plaint au journal américain James Watson, co-découvreur de la structure hélicoïdale de l'ADN.
Les Noirs "moins intelligents" que les Blancs. James Watson a beau se défendre de "ne pas être raciste dans un sens conventionnel" (sans expliquer ce qu’il entend par là), son interview au Sunday Times lui avait valu d’être éjecté de la communauté scientifique. Dans cet entretien, le biochimiste expliquait être "intrinsèquement pessimiste quant à l’avenir de l’Afrique" car "toutes nos politiques sociales sont fondées sur le fait que leur intelligence [celle des Africains, ndlr.] est la même que la nôtre - or toutes les études disent que ce n’est pas le cas". Pour enfoncer le clou, James Watson lâchait un argument de son cru : tous ceux "qui doivent gérer des employés noirs savent bien que ce n’est pas vrai". Aujourd’hui, le titulaire du prix Nobel regrette que ses propos aient été retranscrits, car "l’on n’est pas supposé dire ce genre de choses".
Pas un dérapage isolé. Après la publication de ces propos racistes, James Watson a été remercié de son poste à l’Institut de recherches de Cold Spring Harbor, dont il reste président honoraire, rappelleSlate. Pourtant, ce n’était pas le premier dérapage de James Watson. Dix ans auparavant, il avait déclaré, avant de retirer ses propos, qu’une femme "devrait pouvoir avorter si son enfant est testé homosexuel", rappelait Le Monde au moment de la polémique du Sunday Times.
Retrouver l’estime de ses pairs. Mais ce dernier dérapage a été celui de trop. La communauté scientifique l’a exclu de son sein. Elias Zerhouni, à l’époque directeur du National Institutes of Health, avait dû revenir sur les propos de l’éminent scientifique. "Les propos [de James Watson] sont à tous points de vue faux – et ils sont surtout en contradiction totale avec le corpus de littérature scientifique dans ce domaine", avait-il déclaré.
Le scientifique a été récompensé en 1962 pour sa découverte de la structure hélicoïdale de l’ADN avec Francis Crick et Maurice Wilkins, grâce aux travaux de Rosalind Elsie Franklin. Mais il dit être désormais considéré comme un "sous-homme" et "ne plus avoir de revenus à part mon salaire universitaire". Il espère, avec ce gros coup de pub, "réintégrer la vie publique" et retrouver l’estime de ses pairs.