Il l'a fait. Après avoir longtemps entretenu le suspense, Donald Trump a finalement annoncé la sortie de l'accord de Paris sur le climat. "L'heure est venue de quitter l'accord de Paris", a lancé le président américain jeudi dans les jardins de la Maison Blanche. "J'ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh (ville qui connaît une forte renaissance industrielle), pas de Paris", a renchéri le président américain qui a mis en avant la défense des emplois américains et dénoncé un accord "très injuste" pour son pays. Que va vraiment changer cette décision, qui a suscité l’émoi à travers le monde ? Eléments de réponse.
Sur quels engagements les Etats-Unis reviennent-ils ?
L'accord de Paris, conclu fin 2015 et dont l’ancien président américain Barack Obama fut l'un des principaux architectes, vise à contenir la hausse de la température moyenne mondiale "bien en deçà" de 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Pour y parvenir, les Etats-Unis, deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre, avait un rôle majeur. L'objectif des Etats-Unis consistait à réduire de 26% à 28% leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2025 par rapport à 2005. L’administration Obama s’était, toutefois, bien gardé d’annoncer des mesures ambitieuses. Le Congrès étant en effet républicain au moment de la signature de l’accord de Paris, l’ancien président américain n’avait déjà pas les mains libres sur ce dossier.
Le prédécesseur de Donald Trump avait tout de même signé des directives très concrètes, allant de la fermeture des centrales thermiques au charbon les plus polluantes à l’extension des zones humides protégées en passant par l’interdiction de la construction d’un oléoduc géant. Autant de mesures que Donald Trump s’est empressé d’abroger dès son arrivée.
Quand le retrait de l’accord de Paris entrera-t-il en vigueur ?
Concrètement, le 45e président des Etats-Unis devrait invoquer l'article 28 de l'accord de Paris, qui permet aux signataires d'en sortir. En raison de la procédure prévue, cette sortie ne deviendra effective qu'en 2020… très précisément le 4 novembre, soit le lendemain de l’élection du prochain président des Etats-Unis. La question sera donc très probablement un enjeu central de la prochaine élection. Mais Donald Trump, qui sera encore chef de l’Etat à ce moment-là, pourra conduire le retrait jusqu’au bout. Et son éventuel successeur devra lancer une procédure nouvelle s’il veut revenir dans l’accord de Paris. Celle-ci nécessitera probablement d’entamer une nouvelle phase de négociations : puisque les Etats-Unis auront perdu trois ans dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, il faudra très probablement fixer des nouveaux objectifs à cette date-là.
D’autant que Donald Trump a assuré jeudi que les Etats-Unis cesseraient "dès aujourd'hui" l’application de l’accord de Paris. Avec des mesures à prévoir dès cette année, comme la suppression des financements la Convention climat de l'ONU (23% du budget apportés par les Américains) et l'aide internationale aux pays les plus pauvres à travers le Fonds vert.
Peut-on redouter un effet boule de neige ?
Pour l’heure, la communauté internationale semble condamner unanimement l’annonce de Donald Trump. De la Chine à l’Australie en passant par l’Inde et le Japon, le Canada, l’Europe et les pays sud-américains, l’ensemble des 194 autres pays signataires ont réitéré leurs engagements en faveur des objectifs fixés par l’accord de Paris.
Les experts se montrent d’ailleurs plutôt optimistes. "Mieux vaut qu'il (Trump) soit hors de l'accord, plutôt qu'il le tire vers le bas", a ainsi commenté Mohamed Adow, spécialiste climat de l'ONG Christian Aid. "Les Etats-Unis peuvent proposer ce qu'ils veulent mais aucun pays ne va les rejoindre à la table des négociations", optimise ainsi auprès de l'AFP l'expert de l'Union of concerned scientists Alden Meyer, qui suit ces pourparlers depuis plus de vingt ans.
Le retrait des Etats-Unis risque-t-il de remettre en cause les objectifs mondiaux ?
Reste que selon les différentes projections d’experts, le retrait des Etats-Unis entraînera une hausse du réchauffement climatique de 0,1 à 0,3 degrés. Les autres pays signataires devront donc mettre les bouchées doubles pour atteindre l’objectif d’une limitation de la hausse des températures à deux degrés. Avec les engagements pris actuellement par chacun - l’accord est non contraignant et chaque pays se fixe des objectifs -, la planète reste pour l’instant sur une trajectoire de + 3°C. Beaucoup d'experts et d'ONG comptent désormais sur une alliance entre l'Union européenne et la Chine pour revoir les ambitions à la hausse (la France a, elle, déjà annoncé des mesures plus audacieuses que prévues au départ). Le Japon, gros consommateurs de charbon, est également attendu au tournant : s’il a réitéré sa volonté de contribuer à la réussite de l’accord, il n’a pris pour l’heure aucune mesure en ce sens.
Les experts espèrent, enfin, que tous les Etats fédérés américains ne suivront pas la trajectoire de leur président. Jeudi, les gouverneurs de dix Etats américains représentant le tiers de la population du pays, dont ceux de Californie, New york et Washington ont annoncé qu’ils respecteraient les engagements pris sur une réduction des émissions carbone. De nombreuses entreprises américaines (des leaders du web comme Apple, Google, Facebook, Microsoft et Amazon mais aussi des industriels tels que ExxonMobil et General Electrics) ont également affirmé leurs engagements en faveur d’une transition écologique. Esseulé sur la scène internationale, Donald Trump risque donc de se retrouver isolé dans son propre pays.