Les rues du centre d'Alger ont été à nouveau noires de monde vendredi, le dixième consécutif de protestation à travers l'Algérie, contre les figures du "système" restées au pouvoir après la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika.
Des manifestations très suivies dans de nombreuses régions du pays
L'importante mobilisation - impossible à évaluer précisément en l'absence de chiffres officiels -, constatée également dans d'autres villes du pays, semble montrer que les contestataires restent déterminés à obtenir satisfaction de leurs revendications prioritaires : le départ des figures du régime Bouteflika et la mise en place d'institutions de transition. "Pas de demi-révolution", titrait en Une l'édition week-end du quotidien El Watan, un appel à continuer à manifester jusqu'au départ du "système" dans son entier.
Comme chaque vendredi, le carrefour de la Grande Poste, bâtiment emblématique des manifestations à Alger, était bondé et le cortège s'est étiré sur plusieurs kilomètres le long sur divers axes. Des manifestants ont accusé les forces de l'ordre d'avoir mis en place des barrages filtrants afin d'empêcher les contestataires d'accéder à la capitale. Le cortège algérois s'est dispersé calmement en fin de journée. L'agence de presse officielle APS, qui a fait état des manifestations dans au moins 36 des 48 régions du pays, n'a recensé aucun incident dans le pays.
Des Algériens manifestent devant la Grande Poste d'Alger pour un 10e vendredi consécutif de contestation dans le capitale #AFPpic.twitter.com/f2Hzfkvgpp
— Agence France-Presse (@afpfr) 26 avril 2019
"La justice doit arrêter tous les voleurs"
"Vous avez pillé le pays, voleurs !", ont scandé les manifestants, à l'issue d'une semaine marquée par le limogeage de personnalités symboles du pouvoir, l'annonce de poursuites judiciaires dans des affaires de corruption et l'incarcération de riches hommes d'affaires accusés de malversations. "La justice doit arrêter tous les voleurs", pouvait-on lire sur une pancarte, alors que la contestation dénonce, depuis le 22 février, les liens troubles entre la présidence Bouteflika et les "oligarques", hommes d'affaires ayant fait fortune grâce à d'énormes contrats publics.
A Alger, une "force d'interposition" citoyenne s'est donnée pour mission de prévenir les heurts entre policiers et manifestants et de maintenir le calme qui fait la force des manifestations algériennes https://t.co/bH0z45CESL#AFPpic.twitter.com/c98S4D5OkJ
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Trois frères, richissimes acteurs du BTP, membres de la famille Kouninef liée au clan Bouteflika, ont été placés en détention provisoire dans la semaine, notamment pour de présumés faits de "trafic d'influence" et des supposées irrégularités dans des contrats publics. Au lendemain du limogeage du PDG de Sonatrach, géant public des hydrocarbures au centre ces dernières années de scandales de corruption, la justice a indiqué aussi enquêter sur Chekib Khalil, ex-ministre de l'Energie proche de Bouteflika et un temps poursuivi en Algérie pour corruption avant que les poursuites soient abandonnées.
Par ailleurs, le placement en détention préventive, également cette semaine, d'Issad Rebrab, première fortune d'Algérie et patron du conglomérat Cevital, premier employeur privé du pays, qui entretenait des relations notoirement tendues avec l'entourage de Bouteflika, a semé le doute chez les contestataires sur les objectifs réels de ces enquêtes. Dans une note publiée vendredi, le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) voit surtout dans l'actuelle campagne anticorruption un moyen pour le régime d'essayer de "diviser" le mouvement de contestation, tout en "réglant des comptes internes".
D'autant que le pouvoir ne cède pas sur l'essentiel des revendications : Abdelkader Bensalah, apparatchik ayant accompagné Bouteflika au long de ses 20 ans au pouvoir, est toujours chef de l'État par intérim et Noureddine Bedoui, autre fidèle dévoué, toujours Premier ministre.