Les appels à la désescalade se sont multipliés lundi2 décembre face à l'offensive fulgurante des rebelles qui se sont emparés de vastes régions du nord de la Syrie, faisant craindre une reprise des combats à grande échelle après plus d'une décennie de guerre civile. Le président syrien Bachar al-Assad a dénoncé une tentative de "redessiner" la carte du Moyen-Orient, alors que les combats, les premiers de cette ampleur depuis 2020, accompagnés de bombardements aériens syriens et russes, ont déjà fait plus de 500 morts, selon une ONG.
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Plus de 500 morts en moins d'une semaine
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit lundi 2 décembre "alarmé par la récente escalade de la violence dans le nord-ouest de la Syrie" et a appelé à une "cessation immédiate des hostilités", selon son porte-parole. Washington a exhorté "tous les pays" à œuvrer pour une "désescalade", de même que l'Union européenne qui a "condamné" les frappes russes "sur des zones densément peuplées".
Pour la première fois depuis le début de la guerre civile en 2011, le régime a perdu totalement le contrôle d'Alep, la deuxième ville de Syrie, un revers cinglant infligé par une coalition de groupes rebelles dominée par les islamistes radicaux. En riposte, des avions syriens et russes ont bombardé des secteurs tenus par ces groupes dans la province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, et dans celle voisine d'Alep, tuant 15 civils dont des enfants, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Des images de l'AFP ont montré des rebelles armés patrouillant dans les rues d'Alep, près de la citadelle historique ou de l'aéroport. Cette ville d'environ deux millions d'habitants, cité antique située sur l'ancienne route de la soie, se remettait lentement des années de guerre civile qui ont dévasté son riche patrimoine. "On est dans l'incertitude, on ne sait pas ce qui va arriver", a confié un habitant d'Alep joint au téléphone par l'AFP, sans donner son nom.
Il a raconté avoir entendu lundi "un raid aérien, mais pas de coups de feu". "C'est assez calme", a-t-il dit, ajoutant que le couvre-feu imposé par les rebelles "avait été levé à sept heures du matin. Entre sept heures et dix heures, les rues étaient vides puis il y a eu une certaine activité, des gens sont sortis pour faire des provisions". "Personne n'a été importuné", selon cet habitant, "mais quelques miliciens ont dit aux filles de se voiler".
Les rebelles ont pris des bâtiments gouvernementaux, des prisons, l'aéroport international et un aérodrome militaire "sans rencontrer de résistance significative", selon l'OSDH, qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie. Plus au sud, les rebelles ont bombardé lundi avec des lance-roquettes la ville de Hama, contrôlée par le gouvernement, où six civils ont été tués, selon cette ONG basée au Royaume-Uni. Selon le ministère syrien de la Défense, de "violents affrontements" opposaient lundi les soldats, appuyés par des frappes aériennes syriennes et russes, "à des organisations terroristes dans le nord" de la province d'Hama.
Dans un entretien téléphonique avec son homologue iranien, Massoud Pezeshkian, Bachar al-Assad a déclaré que "l'escalade terroriste" visait à "tenter de morceler la région, d'effriter ses Etats et de redessiner la carte régionale conformément aux intérêts et objectifs de l'Amérique et de l'Occident". Bachar al-Assad, appuyé par l'Iran et la Russie, a cherché à obtenir le soutien de ses alliés face à l'assaut qui a fait 514 morts depuis le 27 novembre, dont 92 civils, d'après l'OSDH.
De multiples acteurs
Selon le Kremlin, le président russe Vladimir Poutine et Massoud Pezeshkian ont affirmé leur soutien "inconditionnel" à Bachar al-Assad et appelé à une coordination avec la Turquie, qui soutient des groupes rebelles. Le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et d'autres factions rebelles ont lancé leur offensive depuis la province d'Idleb, s'emparant rapidement de dizaines de localités ainsi que de la ville d'Alep, à l'exception de ses quartiers nord habités par des Kurdes.
La Syrie a été morcelée par la guerre civile en plusieurs zones d'influence, où les belligérants sont soutenus par différentes puissances régionales et internationales. La Turquie, frontalière de la Syrie, ainsi que l'Iran, la Russie et les Etats-Unis ont une présence militaire en Syrie, où la guerre déclenchée avec la répression brutale de manifestations prodémocratie a fait environ un demi-million de morts. L'offensive rebelle a coïncidé avec l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu au Liban entre Israël et le Hezbollah, allié de la Syrie et de l'Iran, sorti affaibli de la guerre.
C'est grâce à l'appui militaire de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah que le régime Assad avait réussi en 2015 à inverser le cours de la guerre en reprenant une grande partie du territoire et en 2016 la totalité d'Alep, dont la partie est avait été occupée depuis 2012 par les rebelles. Accaparée par la guerre contre l'Ukraine, la Russie, qui dispose de plusieurs bases en Syrie, a dit vouloir aider Bachar al-Assad et ses forces à "repousser" les rebelles.
L'armée syrienne a rapporté ces dernières 24 heures des bombardements aériens et à l'artillerie syriens et russes contre "des positions, des dépôts et des lignes d'approvisionnement des terroristes" dans les provinces d'Alep et d'Idleb. Le HTS et les rebelles contrôlent une bonne partie de la province d'Idleb, ainsi que des secteurs des provinces d'Alep, de Hama et de Lattaquié. Avant leur offensive, le nord-ouest de la Syrie bénéficiait d'un calme précaire en vertu d'un cessez-le-feu instauré en 2020, sous le parrainage d'Ankara et de Moscou.
Les Etats-Unis, qui disposent eux aussi de soldats au sol dans le nord de la Syrie, soutiennent les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes, qui ont combattu le groupe jihadiste Etat islamique (EI) et contrôlent de vastes régions du nord de la Syrie.