C'est en détournant une image de la série Game of Thrones que Donald Trump a célébré sa victoire auto-proclamée, jeudi, après la publication dans sa quasi-intégralité du rapport du procureur spécial Mueller, chargé d'enquêter sur une possible collusion entre le gouvernement russe et l'équipe de campagne du candidat en 2016. "Pour les rageux et les démocrates de la gauche radicale, c'est la fin de partie", avait écrit le chef de l'État américain sur Twitter.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 18 avril 2019
Pas si vite, ont immédiatement rétorqué les démocrates. L'opposition est en effet bien décidée à faire valoir ses droits et à poursuivre la bataille contre un président à la conduite "malhonnête" et "immorale" selon eux.
Si les démocrates espèrent encore, c'est que le rapport Mueller n'a pas complètement blanchi Donald Trump. Robert Mueller, qui accumule méticuleusement tout au long des 448 pages du rapport des faits prouvant de nombreux échanges entre l'équipe de Donald Trump et la Russie pendant plusieurs mois, écrit bien qu'il ne dispose pas des preuves suffisantes pour prouver qu'il y a eu une entente entre les deux partis pour manipuler l'élection américaine. Mais il estime aussi que Donald Trump et son entourage ont tout fait pour bloquer son enquête. Un point que les démocrates se sont empressés de saisir.
"Obstruction, intimidation, abus de pouvoir"
"Donald Trump a passé toute sa présidence à mener une campagne incessante d'obstruction, d'intimidation et d'abus de pouvoir", a lancé le président du parti démocrate, Tom Perez. Les actes du président sont "profondément alarmants" et "indubitablement malhonnêtes, non éthiques, immoraux et antipatriotiques", a accusé jeudi Adam Schiff, président démocrate de la puissante commission du Renseignement de la chambre basse.
Tous estiment, à raison, que le procureur Mueller a, comme l'a expliqué la sénatrice Elizabeth Warren sur Twitter, "placé la prochaine étape entre les mains du Congrès". Dans son rapport, le procureur spécial a en effet écrit : "La conclusion selon laquelle le Congrès peut appliquer les lois sur l'obstruction dans le cas d'un exercice corrompu du pouvoir par le président s'accorde avec notre système constitutionnel […] et le principe que nul n'est au-dessus de la loi." Autrement dit, reconnaissant qu'il n'avait pas lui-même le pouvoir d'inculper pénalement Donald Trump, il a rappelé que le Congrès, lui, disposait de prérogatives de contrôle.
Mueller put the next step in the hands of Congress: “Congress has authority to prohibit a President’s corrupt use of his authority in order to protect the integrity of the administration of justice.” The correct process for exercising that authority is impeachment.
— Elizabeth Warren (@ewarren) 19 avril 2019
Et pour Elizabeth Warren, "la bonne façon d'exercer cette autorité, c'est la destitution". "Ignorer les tentatives répétées d'un président pour entraver une enquête portant sur sa propre attitude déloyale infligerait un dommage profond et durable à ce pays, et cela suggérerait qu'aussi bien le président actuel que les prochains seraient libres d'abuser de leurs pouvoirs de cette façon."
Destitution improbable, enquête possible
Un "impeachment" reste très improbable, les démocrates n'ayant la majorité qu'à la Chambre des représentants, et non au Sénat. D'autant que tous ont encore en tête la cuisante défaite parlementaire républicaine après la tentative lancée contre le démocrate Bill Clinton. Lancer une telle procédure "n'en vaut pas la peine à ce point", a déclaré à CNN le chef de la majorité à la Chambre Steny Hoyer. "Très franchement, nous avons une élection" en novembre 2020 "et les Américains rendront leur verdict."
Néanmoins, il reste des leviers d'action à l'opposition, notamment celui d'enquêter afin de déterminer "la portée" des méfaits présumés imputés à Donald Trump puis de décider de la marche à suivre, a affirmé vendredi Jerry Nadler, chef démocrate de la commission judiciaire. Ce dernier a remis au ministère de la Justice une injonction à livrer, d'ici au 1er mai, le rapport Mueller dans son intégralité (la version publiée jeudi ayant été expurgée de données confidentielles).
Par ailleurs, les démocrates ont également appelé le procureur Mueller à témoigner devant la Chambre des représentants d'ici au 23 mai. Le ministre de la Justice, Bill Barr, se retrouvera lui aussi sur le gril dès les 1er et 2 mai.