Attaque de la prison de Hassaké : un défi pour la France

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Vincent Hervouët , modifié à
En Syrie, la bataille autour de la prison Al-Sinna (ou Ghwayran) fait toujours rage. L'Etat islamique encercle cette prison située dans la ville de Al Hassaké dans le nord-est du pays pour tenter de libérer les milliers de djihadistes qui s'y trouvent. Pour notre éditorialiste Vincent Hervouët, il est urgent de régler la situation qui concerne de près la France.
EDITO

Comme chacun le sait, les mutineries dans les prisons surpeuplées, c'est une épouvante. Une explosion de cruauté, les règlements de comptes et la révolte sans espoir : cela tient souvent du suicide collectif. On se souvient, il y a vingt ans, des talibans et de leurs alliés étrangers enfermés dans la forteresse de Mazar-I-Charif au nord de l’Afghanistan. Les insurgés emprisonnés avaient tué un enquêteur de la CIA avant de se faire tailler en pièces par l’aviation américaine. On parle de 500 morts. Dès le début, les Américains ont fait une sale guerre. Et en plus, ils l’ont perdue.

Dans les faubourgs de Al Hassaké, au nord est de la Syrie, le deuxième round est en cours. Depuis six jours, des djihadistes tiennent une partie de la prison Al-Sinna où ils étaient enfermés. Avant la mutinerie, ils étaient 3.500. Quand elle a éclaté, certains en ont profité pour s’évader. A l’extérieur, une centaine de combattants de l’Etat islamique attaquent la centrale pénitentiaire à l'aide de camions piégés, de bombes et d'armes lourdes.

Les gardiens Kurdes ont été débordés, mais rapidement, les renforts sont arrivés. Et les hélicoptères de la coalition internationale aussi. Le quartier est bouclé. Le couvre-feu est total. Les combats font rage à l’intérieur et aux alentours. Des dizaines de milliers d’habitants de Hassaké se sont enfuis.

Un enfer où l'on parle français

Nous, cela ne nous a pas empêché de dormir cette nuit. Cela ne nous fait pas frémir. Et pourtant, Al-Sinna est un des noms de l’enfer et on y parle français. Parmi les 850 adolescents, dont certains n’ont que 12 ans, il y a des Français piégés dans les combats.

Ils sont enfermés dans un dortoir depuis six jours. On imagine dans quelles conditions. Ils servent de boucliers humains. Ce sont les Kurdes qui le disent. L’Unicef s’inquiète qu’ils puissent être blessés ou enrôlés de force. Les hélicos d’attaque qui survolent la prison et les terroristes qui la tiennent peuvent en effet s'inquiéter. A vrai dire, on n’est pas loin du crime contre l’humanité.

Il ne faut pas abandonner les mineurs à leur sort

Al-Sinna n’a jamais été une colonie de vacances. Jadis, c’était une école avec un internat. Depuis 3 ans, un centre de réhabilitation pour les mineurs. Autrement dit, un centre de redressement. L’Unicef ferait mieux de s’inquiéter que des gamins de 12 ans soient enfermés avec la lie de l’humanité et détenus sans procès depuis des années. Accessoirement, il serait temps de se demander dans quel état ils vont ressortir, s’ils survivent au carnage.

La ligne de la France, c’est que les djihadistes doivent être jugés là où ils ont commis leurs crimes et donc, pas question de les rapatrier. Laisser des mineurs dans cette fournaise, c’est renier les valeurs pour lesquelles on se bat contre les terroristes, notamment l’innocence des enfants qui ne sont pas de la chair à canon.

Et il ne faut pas s’imaginer qu’il y a d’un côté l’idéalisme, les grands principes et de l’autre, le réalisme et le calcul froid. Le Kurdistan est un pays qui n’existe pas. Comme Guantanamo, une sorte de non-lieu, où les principes du droit ne s’appliquent plus. C’est confortable pour les dirigeants européens qui veulent se défausser des problèmes insolubles et pour les peuples qui refusent de regarder la réalité en face. Mais cette prison offshore n’est pas sûre. Daech y a ressuscité. C’est un piège mortel. Le Kurdistan est en train de fabriquer des monstres. Une usine à bombes humaines.