C’est un événement dans le monde de l’édition, et Michelle Obama va tout faire pour que cela se sache. L’ancienne "First Lady" a sorti mardi Devenir, son livre de mémoires, et elle entame à Chicago une tournée mondiale pour promouvoir l’ouvrage. L’épouse de Barack Obama sera d’ailleurs en France le 5 décembre à la Seine Musicale, comme le révélait Europe 1 mardi matin. Dans son livre, elle évoque ses souvenirs, notamment ses huit ans passés à la Maison-Blanche. Mardi, Le Monde diffuse de larges extraits de Devenir, dans lequel Michelle Obama n’épargne ni le monde politique américain, ni Donald Trump.
"Il voulait se présenter. Il le voulait, et moi pas"
Michelle Obama ne cache ainsi pas que la carrière de son politicien de mari, souvent, lui a pesé. Avec un premier tournant lors d’un discours très remarqué de Barack Obama lors de la convention démocrate de 2004. "Rétrospectivement, je pense que c’est à cet instant que j’ai doucement cessé d’imaginer pouvoir lui faire faire machine arrière, cessé de croire qu’il pourrait un jour n’appartenir qu’à nous, les filles et moi. Je l’entendais presque dans la pulsation des applaudissements. On en veut encore, encore, encore. La réaction des médias au discours de Barack a été dithyrambique. 'Je viens de voir le premier président noir', a déclaré Chris Matthews aux autres reporters de NBC."
"Il y avait une conversation qu’il évitait soigneusement : celle qu’il devait avoir avec moi". Et quatre ans plus tard, alors que se profile l’élection présidentielle, Michelle Obama sent que son mari brûle de se présenter. "Je n’ignorais pas que Barack en discutait en privé avec des amis, des conseillers, de futurs donateurs, faisant ainsi savoir à tous qu’il y réfléchissait. Mais il y avait une conversation qu’il évitait soigneusement : celle qu’il devait avoir avec moi."
Et si Barack Obama n’osait pas s’en ouvrir à son épouse, c’est parce qu’elle avait, de son côté, une vie professionnelle bien remplie. "J’étais femme de sénateur, mais aussi, et surtout, j’avais un métier qui m’intéressait. Au printemps, j’avais obtenu de l’avancement et j’étais devenue vice-présidente du centre hospitalier de l’université de Chicago", écrit l’ancienne Première Dame. "J’aimais mon boulot et, même si elle n’était pas parfaite, j’aimais ma vie. Alors que Sasha s’apprêtait à entrer à l’école primaire, j’avais l’impression d’aborder une nouvelle phase de mon existence, d’être sur le point de pouvoir réveiller mes ambitions et d’envisager une nouvelle série d’objectifs. Quelle serait la conséquence d’une campagne présidentielle ? Elle torpillerait tous ces projets."
"J’étais persuadée qu’il n’irait pas jusqu’au bout". Mais encore une fois, Michelle Obama se fait une raison. "J’espérais qu’un jour ou l’autre Barack lui-même mettrait fin aux spéculations et se déclarerait hors course, incitant les médias à porter leurs regards ailleurs. Mais il ne l’a pas fait. Il voulait se présenter. Il le voulait, et moi pas", admet-elle. "Je voulais Barack pour notre famille. Tous les autres semblaient le vouloir pour notre pays." Les deux époux finissent finalement par aborder le sujet lors d’un séjour à Hawaï. "Certaines de nos conversations ont amené larmes et crispations, d’autres nous ont permis de parler franchement et d’avancer. En définitive, j’ai dit oui parce que je pensais que Barack pourrait être un grand président."
Michelle Obama accepte donc, mais en conservant un fol espoir. "J’ai dit oui, tout en nourrissant au fond de moi une conviction douloureuse que je n’étais pas prête à partager : je l’ai soutenu pendant sa campagne, mais j’étais persuadée qu’il n’irait pas jusqu’au bout", avoue l'ancienne Première Dame. "Il parlait si souvent et avec tant de passion de combler les fractures de notre pays en faisant appel à de nobles idéaux, qu’il croyait innés chez la plupart des gens. Mais j’avais observé ces fractures d’assez près pour refréner mes propres espoirs : Barack était, après tout, un Noir en Amérique. Je ne croyais pas vraiment à sa victoire."
Trump, cette "petite brute"
Dans son livre, Michelle Obama n’épargne pas Donald Trump. "Pour être claire, nous avions maintenant affaire à une petite brute, à un homme qui, entre autres choses, dénigrait les minorités, exprimait ouvertement son mépris pour les prisonniers de guerre, bafouait la dignité de notre pays pratiquement à chacune de ses déclarations", dépeint-elle.
"J’ai reçu les propos de Trump comme un coup de plus". Lorsque l’extrait d’un enregistrement dans lequel l’actuel président des Etats-Unis évoque les femmes comme de simples proies sexuelles resurgit, en octobre 2016, Michelle Obama décide de s’impliquer. "Quand j’ai entendu cet extrait, je n’en ai pas cru mes oreilles. Et pourtant, il y avait quelque chose de douloureusement familier dans le ton menaçant et l’outrecuidance machiste de ces propos", s’enflamme-t-elle. "J’ai reçu les propos de Trump comme un coup de plus. Je ne pouvais pas laisser passer ça. (…) Devant une foule électrisée, j’ai clairement dit ce que je pensais : ‘Ce n’est pas normal. Ce n’est pas la politique comme on la conçoit habituellement. C’est honteux. C’est intolérable.’ (…) Puis je suis rentrée à Washington, priant d’avoir été entendue." Pas assez, puisque Donald Trump sera élu quelques mois plus tard.
"Désespérant", "douloureux". Désormais, c’est le président et ses actions que Michelle Obama critique : "il est désespérant d’observer que le comportement et le programme politique du président actuel ont poussé beaucoup d’Américains à douter d’eux-mêmes, à se méfier et à avoir peur les uns des autres. Il a été très douloureux de voir systématiquement détricotées des mesures politiques humaines soigneusement élaborées, de constater que nous nous sommes aliénés certains de nos plus proches alliés et que nous avons rendu plus vulnérables et déshumanisé nos citoyens les plus fragiles. Il m’arrive de me demander si nous pouvons tomber plus bas."
La Maison-Blanche, c’est non !
Alors que certains la poussent à se présenter à l’élection présidentielle de 2020, Michelle Obama répond de la façon la plus claire qui soit. "Parce qu’on me pose souvent la question, je le dis ici très clairement : je n’ai aucune intention de me présenter un jour à la présidence. La politique ne m’a jamais passionnée, et mon expérience des dix dernières années n’y a rien changé", écrit-elle. Je continue d’être agacée par la mesquinerie partisane – la ségrégation tribale entre le rouge républicain et le bleu démocrate, cette idée que nous devrions choisir un camp et nous y tenir, sans se donner la peine d’écouter et de trouver des compromis, voire même de se montrer courtois. Je suis convaincue que, sous sa forme la plus noble, la politique peut être un vecteur de changement positif, mais cette arène n’est tout simplement pas faite pour moi."