Des enquêteurs de l'ONU ont exhorté mardi le gouvernement civil à sortir l'armée birmane de la vie politique au vu de son implication dans "le génocide" à l'encontre des musulmans rohingyas. Les autorités du pays doivent "poursuivre le processus visant au retrait des militaires de la vie politique", en engageant une révision de la Constitution en ce sens, d'après le rapport final de la Mission d'établissement des faits de l'ONU sur la Birmanie.
Encore une place centrale pour l'armée. Le gouvernement birman doit "poursuivre le processus visant au retrait des militaires de la vie politique", estime le rapport final des enquêteurs. Malgré l'arrivée au pouvoir en 2016 du gouvernement civil de la Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi, l'armée conserve une place centrale dans le régime politique birman. Elle supervise l'attribution d'un quart des sièges au Parlement, ce qui lui permet de bloquer tout amendement constitutionnel qui limiterait ses pouvoirs.
L'ONU demande la poursuite de hauts gradés. Les enquêteurs de l'ONU réclament aussi le limogeage des chefs militaires, demandant, comme ils l'avaient déjà fait dans un rapport d'étape fin août, que le chef de l'armée, Min Aung Hlaing, et cinq autres hauts gradés soient poursuivis pour "génocide", "crimes contre l'humanité" et "crimes de guerre". La mission de l'ONU, qui n'a pas été autorisée à se rendre en Birmanie, a interrogé plus de 850 victimes et témoins et s'est aussi servi d'images satellite.
De nombreuses exactions. "Assassinats", "disparitions", "torture", "violences sexuelles", "travail forcé", le rapport détaille une longue liste d'exactions commises à l'encontre des Rohingyas qui constituent "les crimes les plus graves au regard du droit international". Il exhorte à "la fin de toutes les opérations militaires (…) illégales, inutiles ou disproportionnées, en particulier lorsqu'elles visent des civils" et demande aux autorités birmanes de "ne pas faire obstacle au retour sûr et durable" des membres de la minorité ethnique en Birmanie.
Plus de 700.000 réfugiés et au moins 10.000 morts. Plus de 700.000 d'entre eux ont fui en 2017 les exactions de l'armée et de milices bouddhistes, trouvant refuge au Bangladesh voisin où ils vivent depuis dans d'immenses campements de fortune. La mission de l'ONU demande aussi aux autorités birmanes, en coordination avec la Croix-Rouge et le Bangladesh, d'identifier le nombre de personnes tuées ou portées disparues. Les informations recueillies par ces enquêteurs suggèrent que l'estimation de 10.000 morts, avancée par Médecins sans frontières (MSF), est "prudente".