Depuis août dernier, plus de 430.000 Rohingyas ont fuit les répressions de l'armée birmane pour se rendre au Bangladesh voisin. Les membres de cette minorité musulmane sont considérés par le pouvoir en place comme des immigrants illégaux. En 1992 déjà et à plusieurs autres reprises depuis, les Rohingyas ont pris le chemin de l'exil. L'envoyée spéciale d'Europe 1 a pu rencontrer un d'entre eux, sur la frontière séparant la Birmanie du Bangladesh. Il témoigne du calvaire vécu par les siens.
Réfugié depuis 14 ans. Quand Abdul-Mutaleb a vu des colonnes de fumée se former sur les côtes birmanes en août dernier, il a compris que l'histoire se répéter. Il y a 14 ans, il avait pris le même chemin que les Rohingyas qui arrivent aujourd'hui au Bangladesh. Âgé de 67 ans, il vit toujours dans le même camp de réfugiés qui fait face au pays qu'il a quitté.
Chassé de ses terres. En Birmanie, il n'avait presque aucun droit, se remémore-t-il : "nous n'avons pas droit à l'éducation, pas droit de faire des affaires, ni de voyager, pas le droit aux mêmes traitements médicaux". "A l'époque, les militaires, aidés par les habitants bouddhistes, m'ont chassé de mes terres pour s'emparer de mes pâturages. Pour autant, je ne m'imaginais pas qu'ils tueraient aussi massivement pour nettoyer chaque recoin du pays des Rohingyas, je n'imaginais pas une telle épuration", explique-t-il au micro d'Europe 1.
"Des chiens errants". Sur le bord de la route, des garde-frontières bangalais éloignent à coups de sifflets un groupe de réfugiés qui mendient hors des camps. Une illustration, pour Abdul-Mutaleb, de ce que doivent subir les siens : une vie de paria. Le destin de sa communauté ? "C'est comme flotter sur l'eau en permanence. Comment dire... nous n'avons plus de terre, plus de maisons, aucune identité, nous bougeons tout le temps, coupé de nos racines, nous sommes des chiens errants". Le rêve d'Abdul-Mutaleb est qu'un jour la Birmanie accorde la nationalité aux Rohingyas. Mais le vieux réfugié, pessimiste, est fataliste : "je mourrai apatride".