Au lendemain de l'annonce du président algérien Abdelaziz Bouteflika de ne pas briguer un cinquième mandat, Mohamed Sifaoui, spécialiste du monde arabo-musulman et auteur de Où va l'Algérie ? ... et les conséquences pour le France' (éditions du Cerf), dénonce une "mascarade" qui est "une manière d'installer la dictature", au micro de Nikos Aliagas mardi.
"Une mascarade" pour installer "la dictature". Pour le spécialiste, ce renoncement n'est pas une réelle victoire du peuple algérien. "C'est la continuité d'un processus de mascarade mis en place par le pouvoir algérien depuis 1962", assure-t-il. "À chaque fois que le peuple algérien exprime une volonté de changement, on lui trouve un subterfuge. Il y a quelques jours, le peuple algérien, et notamment la jeunesse, réclamait un changement radical, c'est-à-dire l'instauration de la démocratie. Bouteflika renonce à un cinquième mandat mais reste président. Il se donne un délai très long, il va entrer dans un cinquième mandat sans élection. Et c'est une manière d'installer la dictature qui est le contraire de la démocratie."
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Déjà une promesse de nouvelle Constitution en 2014. Pour soutenir cette thèse, Mohamed Sifaoui rappelle une situation similaire en 2014. À la veille de l'élection présidentielle à laquelle il était candidat, le président Bouteflika avait assuré "qu'une fois président, il modifierait la Constitution pour remettre le flambeau à la jeunesse. Cinq ans plus tard, il est encore dans les promesses de modification de la Constitution."
"On est partis pour une présidence à vie". Le président de 82 ans, physiquement diminué depuis un AVC en 2013, a promis un projet de Constitution fin 2019 "donc il sera toujours président", courant 2020, le temps de l'élaboration de cette Constitution définitive. "Donc on est partis pour une présidence à vie", prévoit Mohamed Sifaoui.
"Faire croire qu'il y a un changement". Ces mesures interviennent après trois semaines de manifestations notamment de la jeunesse algérienne. "Il y a un ras-le-bol depuis longtemps dans la société algérienne. Elle a trouvé le mode opératoire : la manifestation pacifique, ce qui a piégé le pouvoir. Il fallait donc trouver une solution qui a été la mise en place de cette mascarade qui consiste à faire croire qu'il y a un changement. Mais en fait, Abdelaziz Bouteflika est toujours là, son ministre de l'Intérieur est devenu Premier ministre, le chef d'État-major des Armées n'a pas changé et le chef des renseignements non plus", liste le spécialiste du monde arabo-musulman.
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Un gouvernement faillible ? Alors que la moyenne d'âge des Algériens est de 27 ans, selon Mohamed Sifaoui, les dirigeants du pays étaient déjà là en 1962 et ils gouvernent avec "médiocrité tant sur le plan économique ou social, les résultats sont catastrophiques. La diaspora algérienne s'est constituée parce que toute cette population a quitté le pays à cause de l'absence de perspectives."