Acclamé par une impressionnante marée rouge de centaines de milliers de partisans massés sur l'Avenida Paulista de Sao Paulo, Lula a prôné la "paix et l'unité" après son élection d'une courte tête à la présidence du Brésil. Il s'est toutefois dit "inquiet" du silence assourdissant de son adversaire, le président sortant Jair Bolsonaro, qui n'avait toujours pas reconnu sa défaite plus de quatre heures après le résultat.
C'est un come-back historique pour cet ancien métallo de 77 ans, qui débutera le 1er janvier son troisième mandat, 12 ans après avoir quitté le pouvoir sur une popularité record (87%). Mais aussi après être passé 580 jours par la case prison, après des condamnations pour corruption finalement annulées pour vice de forme.
"Moitié heureux, moitié inquiet"
"On m'avait enterré vivant!", a lancé l'icône inoxydable de la gauche, qui a comparé sa victoire à une "résurrection". Luiz Inacio Lula da Silva a obtenu 50,9% des voix au second tour, contre 49,1% pour le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, qui ne s'était toujours pas manifesté. "Dans n'importe quel pays au monde, le candidat défait m'aurait déjà appelé pour reconnaître sa défaite. Il ne m'a toujours pas appelé, je ne sais pas s'il va appeler et s'il va reconnaître" sa défaite, a déclaré Lula s'adressant à ses partisans.
"J'aimerais bien être juste heureux, mais je suis moitié heureux, moitié inquiet", a-t-il insisté. Le silence du chef de l'Etat sortant était troublant, y compris sur les réseaux sociaux, ou il est d'habitude très actif. C'est la première fois qu'un président brésilien échoue dans sa tentative de réélection. "À partir du 1er janvier, je vais gouverner pour les 215 millions de Brésiliens et Brésiliennes, pas seulement ceux qui ont voté pour moi", a dit Lula.
"Personne ne veut vivre dans un pays divisé, en état de guerre perpétuelle. Ce pays a besoin de paix et d'unité. (...) Il n'y a pas deux Brésil, nous sommes un seul peuple, une seule nation", a insisté l'icône de la gauche, en référence à la présidence clivante de Bolsonaro. L'écart, de moins de deux points de pourcentage, est le plus serré entre deux finalistes de la présidentielle depuis le retour à la démocratie après la dictature militaire (1964-1985).
Félicitations de Macron et Biden
La victoire de Lula a été saluée par des feux d'artifice et des cris de joie dans de grandes villes comme Rio de Janeiro et Sao Paulo, où des centaines de milliers de personnes faisaient la fête dans la rue, ont constaté des journalistes de l'AFP. "Lula, c'est un synonyme d'espoir, l'espoir de voir des jours meilleurs", a déclaré Alexandra Sitta, enseignante de 48 ans, qui fêtait la victoire du candidat de gauche à Sao Paulo.
Sur l'emblématique Avenue Paulista, une foule compacte de plusieurs centaines de milliers de personnes est venue acclamer le président élu. "La démocratie est de retour au Brésil, la liberté est de retour!", a-t-il scandé depuis une estrade, devant une foule gigantesque en liesse. Lula a été rapidement félicité par plusieurs dirigeants étrangers. Le président américain Joe Biden a salué son élection "libre et juste" et son homologue français Emmanuel Macron a estimé que sa victoire "ouvre une nouvelle page de l'histoire du Brésil".
"Notre pays est trop grand pour être relégué au triste rôle de paria", a déclaré le président élu dans son discours de victoire, assurant que le Brésil était "de retour" sur la scène internationale. Lula a également évoqué le sujet brûlant de l'Amazonie, où la déforestation et les incendies ont fortement augmenté sous le mandat de Jair Bolsonaro.
"Le Brésil est prêt à jouer à nouveau les premiers rôles dans la lutte contre le changement climatique. Le Brésil et la planète ont besoin d'une Amazonie en vie", a-t-il dit. "Le cauchemar est enfin terminé. Lula doit agir fermement et rapidement sur l'environnement", a réagi le collectif d'ONG Observatoire du Climat.
Espoir d'une "saine transition"
Les Bolsonariste, eux, étaient particulièrement amers. "Je suis révoltée, le peuple brésilien ne va pas avaler une élection manipulée comme cela et remettre le pays entre les mains d'un bandit. Bolsonaro doit agir vite, sinon, on ne pourra plus rien faire", dit Ruth da Silva Barbosa, enseignante de 50 ans, dépitée après avoir suivi le dépouillement à Brasilia.
Mais plusieurs alliés importants de Jair Bolsonaro ont reconnu sa défaite, comme l'ancien juge anticorruption Sergio Moro. "La démocratie est ainsi. Je serai dans l'opposition en 2023", a tweeté celui qui avait envoyé Lula en prison. Douze gouverneurs d'Etats brésiliens ont également été élus dimanche, dont le bolsonariste Tarcisio de Freitas dans l'Etat de Sao Paulo, le plus peuplé et le plus riche du Brésil.