Espionnage, piratages, ingérences électorales... Russes et Américains reviennent à un jeu trouble. Invité dimanche dans l'émission C'est arrivé demain, le politologue Bruno Tertrais donne son point de vue sur les enjeux présents et futurs des relations internationales.
Une équipe diplomatique américaine rassurante. Les Européens ont fait connaissance, samedi, avec une partie de la nouvelle équipe diplomatique américaine, à l’occasion de la venue à Vienne du vice-président des Etats-Unis Mike Pence pour une conférence sur la sécurité. "Les principaux collaborateurs de Donald Trump - le vice président Pence, le secrétaire d'Etat Tillerson, le secrétaire à la Défense Mattis - ont un discours rassurant, posé, mais pendant ce temps-là, le président américain continue à tweeter n'importe quoi. Il dit déjà qu'il sera candidat en 2020. C'est sans précédent", juge Bruno Tertrais.
"Pas dépendre de l'Amérique". En conséquence, le politologue estime que du côté de l'Europe, il ne faut pas trop attendre une structure plus claire. "Notre sort ne doit pas dépendre de celui de l'Amérique. L’imprévisibilité des Etats-Unis doit nous pousser à être en ordre de bataille au sens politique du terme et à être plus unis." D'autant que les premières semaines du mandat de Trump ont été marquées par des révélations sur les relations troubles que des membres de l'administration Trump ont pu entretenir avec la Russie. Son conseiller à la sécurité a d'ailleurs dû démissionner.
Un rapprochement des Etats-Unis avec la Russie "est la grande crainte des Européens. Pour l'instant, il n'y a pas de risque de grand marchandage par-dessus la tête des Européens, pense Bruno Tertrais. Ce qui importe à Trump, c'est d'être en position de force vis-à-vis de la Russie. C'est seulement après qu'il est possible de faire des deals. Ce qui est inquiétant, en revanche, c'est que la démission de Flynn implique à mon avis d'autres membres de l'administration.
"Des rumeurs, de la désinformation". A l'échelle de la planète, le politique voit toujours les Américains en position de force. "Il y a de la posture de la part de la Russie, il y a une implication au Moyen-Orient qui a fait quasi disparaître les Européens de la scène syro-irakienne. Mais globalement, il n'y a pas de débat. L'Amérique a des atouts que la Russie n'a pas."
Néanmoins, selon le spécialiste, la volonté d'ingérence de la Russie de Poutine en Europe est évidente. "Ils s'en cachent à peine. Les deux grands médias contrôlés par le Kremlin, RT et Spoutnik, sont arrivés en France et ont une audience croissante. Ils publient de la désinformation, des rumeurs, y compris sur la campagne électorale française dans le but d'avantager certains candidats et d'en désavantager d'autres. Marine Le Pen, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon ont la préférence de Moscou", analyse Bruno Tertrais, qui trouve en revanche crédible que la Russie s'attaque à Benoît Hamon et surtout à Emmanuel Macron, "dans la mesure où il est en position de gagner et a des positions réservées sur la Russie."