Non, la France ne va pas céder l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne. Non, Paris ne partagera pas son siège avec Berlin à l'ONU. Mais alors, que va réellement changer le traité franco-allemand, signé mardi par Emmanuel Macron et Angela Merkel ? Contesté par l'extrême droite dans les deux pays, le texte paraphé en fin de matinée à Aix-la-Chapelle, en Allemagne, doit "compléter" celui signé à l'Élysée le 22 janvier 1963 par Konrad Adenauer et Charles de Gaulle dans des domaines tels que la défense, la diplomatie, l'éducation ou l'économie. Avec des conséquences concrètes, notamment pour les frontaliers.
Des relations transfrontalières simplifiées
Le traité prévoit de "resserrer les liens entre les citoyens et les entreprises de part et d'autre de la frontière", via en particulier des "procédures accélérées" pour faire avancer des projets. "Aujourd'hui, quand vous êtes alsaciens et que vous voulez, par exemple, envoyer une chorale ou une équipe sportive de l'autre côté de la frontière, c'est compliqué parce que les réglementations ne sont pas les mêmes", a expliqué Nathalie Loiseau, la ministre chargée des Affaires européennes, mardi matin sur Europe 1.
"Ce à quoi nous nous engageons, c'est de simplifier tout ça, de faire en sorte qu'un fleuriste de Strasbourg puisse livrer à Kehl sans difficulté, de faire en sorte qu'il puisse y avoir une crèche franco-allemande où les enfants puissent être gardés, indifféremment, par des auxiliaires français et allemands", a précisé celle qui a dirigé l'École nationale d'administration (ENA) à Strasbourg.
La mise en place d'un "comité de coopération transfrontalière" réunissant États, collectivités et parlements doit ainsi voir le jour. L' objectif du "bilinguisme" dans les territoires transfrontaliers est aussi réaffirmé, sans que les "langues administratives" y soient modifiées.
Un rapprochement institutionnel
Autre mesure : la création d'une assemblée parlementaire franco-allemande. Constituée de cent députés - cinquante Français et cinquante Allemands - celle-ci siégera tous les six mois, alternativement de part et d'autre du Rhin, et sera co-présidée par les présidents de l'Assemblée nationale et du Bundestag, à savoir Richard Ferrand et Wolfgang Schäuble. L'objectif de cette assemblée, dont la première réunion devrait se tenir d'ici fin juin, sera de faire converger le droit français et le droit allemand.
Il est aussi prévu qu'une fois par trimestre, un membre du gouvernement allemand participe au Conseil des ministres français, et inversement.
Paris et Berlin entendent enfin élaborer un "programme pluriannuel de projets" communs. Le premier d'entre eux envisage de se pencher sur la reconversion de la centrale nucléaire de Fessenheim, la mise en place d'une "plate-forme numérique" franco-allemande ou encore des travaux en matière d'intelligence artificielle.
Une "clause de défense mutuelle" en cas d'agression
Les deux pays, qui se sont livrés trois guerres depuis 1870, adoptent également "une clause de défense mutuelle" en cas d'agression, sur le modèle de celle prévue au sein de l'Otan. Cela signifie qu'ils pourront déployer des moyens ensemble en cas d'attaque terroriste ou coopérer sur les grands programmes militaires, à l'image de leurs projets sur les chars ou les avions de combat. La France et l'Allemagne s'engagent aussi à "instaurer une culture commune" entre leurs forces armées, dans le but, à terme, de créer une armée européenne, comme l'a souligné la chancelière allemande mardi.
Pour mieux piloter ces engagements réciproques, Paris et Berlin instituent un "Conseil franco-allemand de défense et de sécurité".
Une meilleure "coordination" à l'ONU
Si le traité d'Aix-la-Chapelle ne prévoit donc aucun partage de siège à l'ONU, il assure, dans son article 8, que l'admission de l'Allemagne "en tant que membre permanent" au Conseil de sécurité des Nations unies est "une priorité de la diplomatie franco-allemande". Les deux pays s'engagent d'ailleurs à "coordonner" leurs positions au sein de l'ONU et à faciliter des "positions unifiées" de l'Union européenne au sein de l'instance mondiale.
Une harmonisation des règles économiques
Les deux États souhaitent "instituer une zone économique franco-allemande dotée de règles communes", notamment dans le domaine du droit des affaires. Symboliquement, le traité acte la création d'un "Conseil franco-allemand d'experts économiques", composé de dix membres indépendants chargés de faire des "recommandations sur l'action économique" des deux pays. Paris et Berlin promettent en outre des "projets conjoints" dans les énergies renouvelables et "l'efficacité énergétique".