Près de 38 degrés en Andalousie, au mois d'avril. L'Espagne est confrontée à sa première canicule de l'année. Ces températures, dignes d'un mois de juillet, n'arrangeront pas la sécheresse qui sévit dans la région, qui menace désormais de nombreux pans de la vie économique du pays dont l'agriculture. Les récoltes seront mauvaises cette année, annoncent plusieurs agriculteurs locaux et l'élevage des animaux devient de plus en plus compliqué. Au sud de Séville, cet élevage de porcs ibériques est touché de plein fouet par le changement climatique.
"Il n'y a pratiquement plus" d'herbe
Suspendu au flanc de la Sierra de Tablon, à près de 1.000 mètres d'altitude, un groupe de cochons retourne le sol en quête de nourriture, à l'ombre d'un chêne centenaire. Dans cette exploitation de plus de 600 hectares près de la ville de Moron de la Frontera, au sud est de Séville, les porcs ibériques sont élevés aux glands et au pâturage selon un savoir-faire qui remonte a l'époque romaine. Mais cette année Antonio Marin, éleveur et vétérinaire de l'exploitation, s'inquiète : l'herbe est deux fois moins haute que l'an dernier.
"Nos animaux mangent normalement de l'herbe, de septembre à juin. Mais là, nous sommes en avril et il n'y en a pratiquement plus", explique-t-il au micro d'Europe 1. Pire, les chênes, fragilisés par la sécheresse, tombent malades et meurent. Sur son exploitation, les glands se font donc plus rares pour ses bêtes.
Diversification
Moins d'herbe... Et moins de glands aussi. Les chênes sont fragilisés par le manque d'eau et attrape la seca de la Encina, une maladie qui fait pourrir les racines des arbres. Il faut donc les abattre. Sauf que ces arbres centenaires prennent plusieurs dizaines d'années pour fournir à nouveau la quantité de glands nécessaire à l'élevage. Il faut donc se tourner vers d'autres solutions. Les porcs sont ainsi nourris en partie avec des céréales.
Mais pour Antonio, hors de question de renoncer à la qualité. "Il y a encore 20 ans, on élevait 80 porcs aux glands. Mais aujourd'hui, en faire une trentaine, c'est compliqué", note-t-il néanmoins.
À cause de ses nombreuses contraintes, mais aussi de l'inflation, le prix de revient d'un porc ibérique a augmenté de près de 25% en un an, passant de 400 euros à plus de 550. Dans ses conditions, difficile pour les deux éleveurs de continuer à se dégager une marge, et donc des salaires.
Pour continuer d'exister, il faut donc se diversifier, insiste Sylvain Audebert, l'autre éleveur de l'exploitation. "On a implanté des moutons, on a également une activité d'huile d'olive que l'on commence à développer et on a développé aussi une partie touristique pour ne pas être dépendant d'une seule activité qui dépend elle, de notre climat", souligne l'éleveur.
Une diversification qui sert aussi à ne pas augmenter les prix de la viande de porc. "Le but n'est pas de se retrouver avec notre stock sur les bras", conclut-il dans un sourire.