Une annonce (presque) comme une autre, avec sa photo, son message incitatif et l'objectif financier affiché en haut à droite de la page : 50.000 dollars (environ 43.000 euros). Pour l'instant, Jason Kessler, à l'origine de cette campagne de financement participatif, n'a récolté que 2.918 dollars (2.400 euros) provenant de 56 "backers", des donateurs tous anonymes. Mais l'organisateur de la manifestation néo-nazi de Charlottesville, samedi, aux États-Unis, ne désespère pas : il veut recruter des avocats et poursuivre la police de la petite ville de Virginie pour avoir, selon lui, manqué à son obligation de protéger les manifestants de l'"alt-right" américaine.
"Ni censure, ni limites". Cette annonce est hébergée sur "RootBocks", un site de crowdfunding qui revendique le fait de n'avoir "ni censure, ni limites" dans les projets qu'il héberge. Rien d'étonnant, donc, à voir le "Unite the Right Legal Defense Fund" (que l'on pourrait traduire par "le fonds de défense judiciaire de la manifestation Unite the Right") trôner en page d'accueil du site, aux côtés d'une autre annonce qui vise à défendre les manifestants néonazis en attaquant cette fois-ci la ville de Charlottesville. Motif de la plainte : les autorités n'auraient pas respecté le premier amendement de la Constitution en ne laissant pas la libre parole ("freedom of speech") s'exercer samedi dernier. Sur Twitter, Nathan Damigo s'est plaint d'avoir été arrêté pour une fausse raison lors de la manifestation, s'alarmant d'une prétendue violation de ses droits civiques. La cagnotte qu'il a créée affiche le même objectif de 50.000 dollars, mais avait recueilli près de 10.000 dollars mardi (8.500 euros), en début d'après-midi.
Fermetures de campagnes. Ces cagnottes se retrouvent sur des sites de crowdfunding méconnus, car les plateformes telles que Kickstarter et GoFundMe, mastodontes du financement participatif, ont rapidement décidé de fermer toutes les campagnes de soutien à la manifestation raciste de Charlottesville. Clôturant d'une part les projets de cagnotte destinées à attaquer les autorités locales. Et fermant, comme GoFundMe, les campagnes de financement montées pour permettre à James Fields, le conducteur qui a foncé dans la foule hostile aux néonazis, de se défendre devant les tribunaux.
Règlements stricts chez les grandes plateformes. Pour chasser ces projets de leurs sites, les plateformes se sont basées sur leur propre règlement intérieur. Sur la version française de son site, GoFundMe indique ainsi que les visiteurs s'interdisent d'utiliser ses services "pour créer ou contribuer à une campagne dont la finalité serait liée à toute activité qui viole une loi ou un règlement", ainsi que "la promotion de la haine, de la violence, du harcèlement, de la discrimination, du terrorisme ou de l'intolérance, sous quelque forme que ce soit". Idem chez Kickstarter, qui a rappelé lundi que sa politique consistait à prohiber les discours de haines et les encouragements à la violence.
Un site néonazi dans la tourmente. Ces initiatives rejoignent celles de Google et de GoDaddy contre les médias d'extrême droite : le moteur de recherche a décidé de déréférencer The Daily Stormer, un site néonazi, pour violation des conditions d'utilisation. Et le gestionnaire de noms de domaine a prévenu lundi le site qu'il devrait à présent se chercher un nouvel hébergeur. Mardi, le site était inaccessible et réclamait des fonds. Et pourrait peut-être à son tour organiser une cagnotte sur un site de crowdfunding "alternatif" pour arriver à ses fins…