La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, l'ancien diplomate russe Vladimir Fédorovski, l'a suivie de près. Ce proche de Mikhaïl Gorbatchev explique au micro d'Europe 1 que dans les couloirs du Kremlin on parlait déjà de la chute du mur au printemps 1989. Et qu'il y avait deux camps opposés.
"Dès le début de l'année, le KGB envoie des dépêches disant que si ça continue comme ça, c'est la fin de la RDA, la fin de l'URSS, la fin du pacte de Varsovie", raconte Vladimir Fédorovski. "C'était écrit noir sur blanc et il y avait deux camps : d'un côté, le KGB et l'armée, et de l'autre côté, mes amis, le numéro 2 du régime Iakovlev et Chevardnadze, le ministre des Affaires étrangères. Les discussions étaient très rudes, deux contre deux. Et Gorbatchev faisait l'arbitre", se souvient l'ancien diplomate.
"L’Occident était très réticent et le KGB utilisait ça"
À l'époque, le KGB prévoyait de faire intervenir des centaines de milliers de soldats soviétiques en RDA, au risque de faire un millier de morts. "Le sale boulot devait être fait, selon le KGB, par des gens de la RDA, mais n'oubliez pas que les Russes avaient presque 500.000 hommes là-bas", rappelle Vladimir Fédorovski.
"L'Occident était très réticent. Mitterrand ne demandait pas la réunification de l'Allemagne, Thatcher renvoyait les dépêches à Gorbatchev. Ils étaient inquiets et le KGB utilisait ça", note-t-il.
Il raconte : "Mon ami Iakovlev a eu une idée de génie, il appelle Raïssa Gorbatchev [la femme de Mikhaïl Gorbatchev, ndlr]. Gorbatchev revient chez lui, il était en retard, mais à temps pour le dîner, et elle l'a briefé. Iakovlev disait : 'si nous intervenons, nous sommes otages du KGB et de l'armée, c'est la fin de la perestroïka' et Raïssa a continué sur l'oreiller. Le lendemain, Gorbatchev revient. Pas d'intervention".
"Gorbatchev a mis les points sur les i et a demandé : 'combien ?' "
Iazov, le ministre de la Défense, et Krioutchkov, le patron du KGB, ont donc perdu. En juin 1989, Gorbatchev va à Bonn et, tout simplement, vend la RDA à Helmut Khol : "C'était un dîner bien arrosé pendant la visite officielle de Gorbatchev à Bonn en juin. Et Gorbatchev, - c'est comme Sarkozy, il ne supporte pas l'alcool - tandis que Khol a déjà bu ses deux bouteilles de vin", narre l'écrivain.
"Khol sort - il tutoyait Gorbatchev - et dit : 'Mikhaïl, tu sais, la réunification c'est comme le Rhin, c'est un fleuve et on ne peut pas l'arrêter'. À ce moment-là, il s'arrête de parler et il prononce une phrase fatidique : 'Et en plus, nous sommes prêts à payer'. Il y a eu un long silence d'une minute et Gorbatchev a mis les points sur les i et a demandé 'combien ?'. Là, la réunification a sonné."