La visite du colonel Kadhafi en France en décembre 2007, quelques mois après l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, avait été très contestée à l'époque. La venue du dictateur libyen est intervenue après la libération des infirmières bulgares, en juillet 2007, des geôles du régime libyen où elles étaient détenues depuis 1999. Une libération dont Claude Guéant, secrétaire général de la présidence de la République à cette époque, a été l'un des acteurs, aux côtés de Cecilia Sarkozy, l'ex-femme de Nicolas Sarkozy.
"Une suite de la libération des infirmières." Celui qui a également été ministre de l'Intérieur sous la présidence de Sarkozy était donc bien placé pour évoquer ce dossier dans l'émission Hondelatte Raconte, sur Europe 1, mercredi. "La venue de Kadhafi en France est une suite de la libération des infirmières bulgares", a-t-il expliqué.
Claude Guéant se rappelle notamment avoir reçu la visite d'un certain Moussa Koussa, le patron des services de renseignement libyens, quelques jours après l'élection de Nicolas Sarkozy : "Il m'avait dit : 'Le président (Kadhafi) tient absolument à revenir dans le concert des nations, il considère qu'il a encore du chemin à faire.' Mais il compte sur Monsieur Sarkozy pour l'aider à ce que la Libye redevienne un Etat comme un autre et joue dans le concert international, un rôle positif qu'elle ne peut plus jouer compte-tenu de son comportement ancien."
A ce moment-là, le cas des infirmières bulgares a été évoqué, sans que Claude Guéant sache si Moussa Koussa "avait un blanc-seing complet de Monsieur Kadhafi". "Notre conversation concluait très clairement qu’il ne pouvait pas y avoir de retour de la Libye dans la communauté internationale si n’intervenait pas la libération des infirmières", assure Claude Guéant.
"Kadhafi avait fait de grands pas vers une réinsertion internationale." "L’ambition de Nicolas Sarkozy était de ramener dans la communauté internationale (...) un pays qui s’en était écarté pendant de trop longues années", car il estimait que la Libye "pouvait jouer un rôle positif dans la région et de façon plus large", précise-t-il. Et si Claude Guéant rappelle que Kadhafi "était un abominable dictateur", il assure cependant que ce dernier "avait déjà fait de grands pas vers une réinsertion dans la communauté internationale" lorsqu'il est arrivé en France : "Il avait annoncé la destruction des armes de destruction massive dont il disposait. Tout avait été détruit. C'était déjà quelque chose d'important pour l'ensemble du monde qu'il fasse un pas de ce genre."
Malgré tout, cette visite du dirigeant libyen a été vivement critiquée, au sein même du gouvernement. Rama Yade, secrétaire d'Etat chargée des Affaires étrangères et des Droits de l'Homme, avait fait part de son profond désaccord : "Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n'est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits." "Il peut y avoir des opinions divergentes à l'intérieur d'un gouvernement (...) mais une fois qu'une décision est prise, tout le monde se range derrière. Et si on ne l'accepte pas, on fait autre chose", lâche Claude Guéant.
Rama Yade était finalement revenue sur sa déclaration à l'occasion d'une interview sur Europe 1, après avoir été recadrée. "Le Kadhafi d'aujourd'hui n'est pas le même que celui d'avant. (...) Je ne suis pas hostile au principe de sa visite", avait-elle alors déclaré. Une façon de mettre fin à une polémique restée dans les mémoires, même après la mort du dirigeant libyen en 2011.