Cologne : ce que l'on sait d'une crise "qui a tout changé"

Cologne
Des manifestants d'extrême droite, samedi à Cologne.
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avec AFP , modifié à
Plus de 500 plaintes ont été déposées en Allemagne après les violences de la Saint-Sylvestre. Le pays est sous le choc et les migrants sont pointés du doigt.

C'est une "crise", dans son sens profond, qu'a connu l'Allemagne la nuit de la Saint-Sylvestre. Par la violence et l'ampleur des faits, d'abord : plus de 500 plaintes ont été déposées pour vols et/ou violence sexuelles, en grande partie à Cologne, selon Der Spiegel. Mais aussi par les bouleversements que ces évènements ont provoqué : la mise en lumière des insuffisances de la police locale, une défiance envers les médias et les autorités, ainsi qu'un changement radical de ton, dans la société civile et au sein du gouvernement, envers le million de migrants récemment arrivés dans le pays, et dont certains sont aujourd'hui pointés du doigt. Que sait-on à l'heure actuelle de cette crise et de ces conséquences ? Résumé en sept points.

Ce que l'on sait des faits et de leurs auteurs. 516 plaintes ont été enregistrées en Allemagne après des agressions contre des femmes, commises le soir de la Saint-Sylvestre, en grande majorité à Cologne. Selon la police, les plaintes font état d'attaques de femmes par des hommes agissant en bandes et commettant attouchements sexuels et vols. 40% des plaintes concernent des agressions sexuelles. Dix-neuf personnes sont pour l'instant considérées comme suspectes, a indiqué la police dans un communiqué sans autre détail.

La police de Cologne a affirmé samedi que les personnes sur lesquelles elle enquêtait étaient "originaires en grande partie de pays d'Afrique du Nord" et "en grande partie des demandeurs d'asile et des personnes se trouvant en Allemagne illégalement". Cela n'a pas été répété par la police dans son communiqué de dimanche. La nuit de la Saint-Sylvestre a également été le théâtre d'actes de violence à Hambourg, où quelque 133 plaintes, notamment pour agression sexuelle, ont désormais été déposées, a parallèlement indiqué dimanche la police de cette ville du nord de l'Allemagne, tout en précisant que les profils des personnes décrites par les plaignantes étaient divers.

La police et les médias mis en cause… Le manque d'informations claires sur l'enquête et l'inaction des forces de l'ordre le soir du Nouvel An ont contribué vendredi au limogeage du chef de la police de Cologne Wolfgang Albers. La police locale n'a en effet commencé à donner des éléments sur la nuit du Nouvel An que lundi, trois jours après, et n'en a révélé toute l'ampleur que mardi. La police argue que les plaintes des victimes ne sont arrivées que peu à peu. Ce qui a fait bondir le ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière, furieux de l'inaction des forces de l'ordre le soir du Réveillon.

Les thèses complotistes ont également fleuri sur internet et dans les mouvements populistes, accusant les grands médias d'avoir à dessein passé sous silence les événements de Cologne pour ne pas alimenter le discours anti-migrants. Les médias n'ont en effet commencé à distiller des informations qu'après les communications de la police. Les thèses complotistes ont en partie été alimentées par la chaîne publique ZDF, qui a fait son mea culpa pour ne pas avoir mentionné les événements de Cologne avant mardi, parlant d'une "négligence". Comme ils le font depuis déjà des mois quand il s'agit des réfugiés, plusieurs portails d'informations ont par ailleurs préféré fermer les commentaires sur ces sujets, qui servent de défouloir xénophobe.

 

Cologne

© Roberto Pfeil / AFP

 

 

… La politique envers les migrants, aussi. Au-delà des insuffisances de la police, les agressions de Cologne ont rapidement entraîné un durcissement de ton à l'égard de la politique d'accueil des réfugiés en Allemagne, jusqu'à présent très ouverte. Le pays a vu affluer en 2015 1,1 million de demandeurs d'asile. Les autorités ont beau marteler ne disposer à ce stade que peu d'informations, les détracteurs d'Angela Merkel, la chancelière allemande, se sont engouffrés dans la brèche. Ils arguent de témoignages des victimes parlant d'auteurs d'apparence "nord-africaine" ou "arabe".

Après ces incidents, "est-ce que l'Allemagne est suffisamment ouverte sur le monde et multicolore pour vous, Madame Merkel ?", a lancé Frauke Petry, la responsable du parti populiste Alternative pour l'Allemagne, qui progresse depuis des mois dans les sondages. Au sein même du parti conservateur CDU de la chancelière Angela Merkel, le mécontentement monte. "Cologne a tout changé, les gens doutent", a lancé Volker Bouffier, vice-président du mouvement lors d'une réunion vendredi soir à Mayence (sud-ouest).

Des violences éclatent déjà. Samedi, Cologne a d'ailleurs vu défiler une manifestation du mouvement islamophobe Pegida, pour "Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident". Avec des pancartes "Rapefugees not welcome" ("les réfugiés violeurs ne sont pas les bienvenus"), détournant le message de bienvenue aux migrants, des centaines de personnes ont convergé en début d'après-midi vers les abords de la cathédrale de cette ville rhénane, agitant des drapeaux allemands. Des heurts ont même éclaté vers 16h entre les manifestants et la police.

A quelques encablures et par-delà d'importants barrages de police, un millier de contre-manifestants se sont regroupés au cri de "Nazis dehors !" et avec des pancartes clamant que "le fascisme n'est pas une opinion, c'est un crime".

 

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© JOHN MACDOUGALL / AFP

 

Angela Merkel revoit son discours… et bientôt sa politique ? Pour le journal conservateur Die Welt de samedi, le 6 janvier, jour où ont été dévoilées les violences de la Saint-Sylvestre, marque ainsi "le début du tournant de la politique d'immigration", soulignant "les avantages et les dangers d'une immigration de masse surtout de pays musulmans". Car le ton d'Angela Merkel elle-même, jusqu'à présent surtout connue pour sa formule d'accueil "Wir schaffen das" ("Nous y arriverons"), s'est durci de jour en jour cette semaine.  

Vendredi elle a jugé qu'il y avait "encore beaucoup trop" de réfugiés qui continuaient à arriver dans le pays. Elle a aussi voulu envoyer un message de fermeté en se montrant favorable à des procédures d'expulsion facilitées pour les demandeurs d'asile délinquants. La loi allemande impose actuellement une condamnation d'au moins trois ans de prison pour permettre l'expulsion d'un demandeur d'asile pendant l'examen de son dossier, à la condition que sa vie ou sa santé ne soient pas menacées dans son pays d'origine. "Je dois dire que pour moi il faut perdre plus tôt" (que ce qui est prévu aujourd'hui) son droit de séjour, a déclaré la chancelière, vendredi à Mayence.

Des agressions similaires en Suisse et en Finlande. La crise pourrait d'ailleurs s'étendre hors de l'Allemagne. La nuit de la Saint-Sylvestre a également donné lieu à un niveau inhabituel de harcèlement sexuel à Helsinki et Zurich.

Trois cas d'agressions sexuelles ont ainsi été rapportés, dont deux ont donné lieu à des plaintes, dans la plus grande gare d'Helsinki, où s'étaient rassemblés quelque 1.000 demandeurs d'asile, pour la plupart irakiens, selon un communiqué de la police. Les suspects, trois demandeurs d'asile, ont été placés en détention. "C'est un phénomène totalement nouveau à Helsinki", a déclaré à l'AFP Ilkka Koskimaki, le chef adjoint de la police de la ville.

La police finlandaise a même indiqué dans un communiqué qu'elle s'était préparée "de manière exceptionnelle", après avoir reçu des informations selon lesquelles "des demandeurs d'asile auraient eu des projets similaires à ceux concernant la gare de Cologne", en Allemagne.

Enfin, des agressions sexuelles pendant la nuit du Nouvel An ont aussi été constatées à Zurich, en Suisse.  "Plusieurs plaintes pour agressions sexuelles et vols ont été déposées", indique la police locale. Selon elle, une demi-douzaine de femmes ont indiqué avoir été encerclées et soumises à des attouchements par "plusieurs hommes à la peau sombre" mêlés à la foule.