Douane frontière 1:59
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Romain David
Pour Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique invité d'Europe 1, la crise sanitaire du Covid-19 a obligé l'Union européenne à revoir sa définition de la notion de frontière, de nouveau considérée comme une barrière plutôt qu'un point de passage. Un phénomène en réalité déjà amorcé dans les années 2000.
ANALYSE

Les mesures sanitaires prises en Europe pour tenter de limiter la pandémie de Covid-19 ont conduit à la remise en place des frontières entre certains États membres de l'Union européenne, après des décennies de libre circulation. Dernier épisode en date, le 26 mars, lorsque l'Allemagne a renforcé ses contrôles à la frontière française, après avoir classé l'ensemble de l'Hexagone en zone à haut risque face à l'augmentation du taux d'incidence. Pour Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique, la situation sanitaire achève le retour en grâce de la notion de frontière, déjà amorcé par la crise économique de la fin des années 2000 et la crise migratoire.

"Les chocs subis, le terrorisme, les migrations, et plus récemment la pandémie, ont suscité un besoin de frontières, et je dirais même un désir de frontières", explique au micro d'Europe Matin Bruno Tertrais, qui est également le co-auteur d'un Atlas des frontières aux éditions Arènes.

Des barrières financières, puis des barrières physiques

"Il y a d'abord eu l'impact de la crise économique et le retour d'un certain protectionnisme. Les barrières douanières se sont élevées de nouveau alors qu'on était plutôt, depuis le début des années 1990, dans une sorte de libéralisme qui correspondait à une ouverture des frontières", rappelle le politologue. Puis la crise migratoire a poussé au renforcement des barrières physiques à l'extérieur de l'Europe - celles visant à limiter l'entrée des personnes -, avant que le Covid-19 ne les transporte à l'intérieur même de l'union. Cette situation marque un véritable bouleversement géopolitique après des décennies d'ouverture.

"La liberté de circulation entre la France et l'Allemagne, et plus largement entre les pays de l'espace Schengen, était tenue pour acquise. Depuis le début des années 1990, on pensait que l'on irait inéluctablement vers un monde avec des frontières de plus en plus effacées, des frontières de plus en plus poreuses, des frontières de plus en plus faciles à passer", relève Bruno Tertrais. "Retrouver une frontière entre la France et l'Allemagne, c'était parfaitement inconcevable il y a à peine plus d'un an", ajoute-t-il.  

Un phénomène provisoire

Désormais, la frontière n'est plus seulement ce qui délimite symboliquement deux pays, sur une carte ou dans un traité, elle redevient un élément de séparation physique. Mais pour notre spécialiste, ce phénomène, qui en Europe semble avoir atteint son paroxysme avec la crise sanitaire, ne devrait pas s'inscrire dans la durée. Au contraire, l'amélioration de la situation sanitaire pourrait éroder rapidement la nécessité d'un repli. "Je pense qu'après la pandémie, on aura un tel désir d'ouverture et de circulation que ces phénomènes frontaliers seront de moindre importance", estime Bruno Tertrais.